Enfant, as-tu trouvé de l’amertume au fond
Du vase éblouissant qui te versait la vie,
Que tu viens d’écarter tout à coup ton beau front
De la foule où naguère on te voyait ravie ?
Si jeune encore, as-tu déjà fait des ingrats ?
As-tu vu s’envoler quelque illusion blonde ?
Le sort ne veut-il plus te bercer dans ses bras ?
Oh ! dis-moi donc pourquoi tu vas quitter le monde ?
Quand le vent embaumé berce les encensoirs
Des lis que les rayons de mai partout font croître,
Pourquoi, te dépouillant de tes longs cheveux noirs,
Cours-tu t’ensevelir vivante dans un cloître ?
Pourquoi rêver devant une tête de mort,
Quand l’arbre parfumé qu’on nomme la jeunesse,
Balançant ses rameaux tout chargés de fruit d’or,
Jette au vent des amours ses chansons, son ivresse ?
Qu’importe ton secret ?… Tu pars le cœur content ;
Tu sembles ignorer, de mystères avide,
Que la maison dorée où tu nous charmais tant
Sera demain aussi morne qu’un berceau vide.
T’arrachant aux baisers de ta famille en pleurs,
Tu franchiras le seuil sacré du sanctuaire,
En toilette de bal, le front chargé de fleurs,
Pour aller te coucher sous un drap mortuaire.
Un prêtre, en surplis blanc, aspergera ton corps
Qui frémira d’émoi sous l’eau sainte qui coule,
Et, pendant qu’il lira les versets pour les morts,
Des sanglots dans la nef éclateront en foule.
Et tu ne pourras plus porter ton nom si doux ;
Celui d’une martyre en aura pris la place.
Tu verras le plancher usé par tes genoux :
Et tes traits fins prendront une pâleur qui glace.
Le souvenir mourra dans ton cœur endormi ;
Tu seras pour les tiens, hélas ! comme perdue ;
Tu fermeras tes yeux mourants sans qu’un ami
Puisse mettre un baiser sur la lèvre éperdue.
Moi, je croirais ton cœur à l’amitié fermé,
Je le croirais plus sourd et plus froid que la pierre,
Si je ne songeais pas parfois, l’esprit calmé,
Qu’il faut, pour toucher Dieu, des anges sur la terre.