« Sous l’épais sycomore »

Sous l’épais sycomore, ô vierge, où tu sommeilles,
Dans le jardin fleuri, tiède et silencieux,
Pour goûter la saveur de tes lèvres vermeilles
Un papillon d’azur vers toi descend des cieux.

C’est l’heure où le soleil blanchit les vastes cieux
Et fend l’écorce d’or des grenades vermeilles.
Le divin vagabond de l’air silencieux
Se pose sur ta bouche, ô vierge, et tu sommeilles !

Aussi doux que la soie où, rose, tu sommeilles,
Il t’effleure de son baiser silencieux.
Crains le bleu papillon, l’amant des fleurs vermeilles,
Qui boit toute leur âme et s’en retourne aux cieux.

Tu souris ! Un beau rêve est descendu des cieux,
Qui, dans le bercement de ses ailes vermeilles,
Éveillant le désir encor silencieux,
Te fait un paradis de l’ombre où tu sommeilles.

Le papillon Amour, tandis que tu sommeilles,
Tout brûlant de l’ardeur du jour silencieux,
Va t’éblouir, hélas ! de visions vermeilles
Qui s’évanouiront dans le désert des cieux.

Ëveille, éveille-toi ! L’ardent éclat des cieux
Flétrirait moins ta joue aux nuances vermeilles
Que le désir ton cœur chaste et silencieux
Sous l’épais sycomore, ô vierge, où tu sommeilles !

Collection: 
1886

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