Vers pour Melle Malagamba

 
Fontaine au bleu miroir, quand sur ton vert rivage
La rêveuse Lilla dans l’ombre vient s’asseoir,
Et sur tes flots penchée y jette son image,
Comme au golfe immobile une étoile du soir,

D’un mobile frisson tes flots dormants se plissent,
On n’en voit plus le fond de sable ou de roseaux ;
Mais de charme et de jour tes ondes se remplissent,
Et l’œil ne cherche plus son ciel que dans tes eaux !

Tu n’es plus qu’un reflet de ravissantes choses,
Yeux bleus comme ces fleurs qui bordent ton bassin,
Dents de nacre riant entre des lèvres roses,
Globes qu’un souffle pur soulève avec le sein,

Cheveux nattés de fleurs et que leur poids fait pendre,
Anneaux qui de ses doigts relèvent le carmin,
Perles brillant sous l’onde et que l’on croit y prendre,
Comme son sable d’or, en y plongeant la main.

Ma main s’étend sur toi, source où cette ombre nage,
De peur que par le vent tout ne soit effacé ;
Et mes lèvres voudraient, jalouses du rivage,
Boire ces flots heureux où l’image a passé !

Mais quand Lilla, riant, se lève et suit sa mère,
Ce n’est plus qu’un peu d’eau dans un bassin obscur.
Je goûte en vain les flots du doigt ; l’onde est amère,
Et la vase et l’insecte en ternissent l’azur.

Eh bien ! Ce que tu fais pour ces flots, jeune fille,
Sur mon âme à jamais la beauté le produit :
Il y fait joie et jour tant que son œil y brille ;
Dès que son œil se voile, hélas ! Il y fait nuit.

Collection: 
1810

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