Vers de Noël

Au diable la poésie,
Mon ami Ponchon,
Mangeons avec frénésie
Du rose cochon.

Est-ce que Noël, poète,
Ô fleur des couyons,
N’est pas la plus belle fête,
Dis ? que nous ayons ?

En se montrant sur la paille
Tel un fin jambon,
Jésus dit : « Faites ripaille,
Le moment est bon.

Seigneurs ou pauvre canaille,
En ce jour divin
Mangez de la cochonnaille
Et buvez du vin :

Le vin réchauffe et l’eau mouille. »
Il dit, et soudain
Des kilomètres d’andouille
Et de noir boudin

— Ainsi fait la folle vigne —
Fleurissent partout.
Ô spectacle vraiment digne,
Consolant surtout !

Du salon jusqu’à l’office,
En chaque maison
Ce n’est que de la saucisse
Et du saucisson.

Des charcutiers admirables
Le galant métier !
En est-il de plus aimables
Dans le monde entier ?

Maîtres qu’un lard pur enflamme,
Ils font de leurs doigts
Tout ce qu’ils veulent, madame,
Tant ils sont adroits ;

J’en prends à témoin quiconque !
Ces braves gens-là
Prennent un cochon quelconque
Et disent : « Voilà.

Voilà mille bonnes choses,
Pâtés, jambonneaux,
Voici des lis et des roses,
Mes petits agneaux. »

Par la papale fressure !
Avec — (ça c’est beau !)
Du cochon, je vous assure,
Certains font du veau.

À cette époque de joie
Que nous célébrons,
On voit d’elle-même l’oie
Chier des marrons.

La dinde, sombre tartuffe
Ordinairement,
Court au-devant de la truffe
— Fer de cet aimant ! —

Les bouteilles toutes seules
Montent l’escalier,
Ivres de rincer nos gueules
Et notre gosier.

Les rouges rôtisseries
Flambent ; le mois d’août
N’a pas plus de pierreries.
C’est beau comme tout.

Les huîtres — moules du riche —
Jusqu’à cette nuit
Dans le sein de la bourriche
Ont bâillé d’ennui.

Huîtres, ne pleurez pas, folles
Que vous êtes, car
Vous ferez des cabrioles
Ce soir, sur le tard !

De la cave à la cuisine
Je vois tout en l’air,
Les jambes de ma cousine
Tout d’abord, c’est clair.

Ah ! s’il ne faut que bien boire
Et que bien manger
Pour complaire au dieu de gloire,
Je vais y songer.

Pour l’instant je n’ai pas — diable !
Le moindre appétit,
Mais l’appétit vient à table
Petit à petit.

Je veux que ce soir ma bouche
Fatigue ma main.
À Noël je ne me couche
Que le lendemain.

Collection: 
1939

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