Je demande en mariage
La fille d’un roi,
Avec ou sans alliage :
Plutôt sans, ma foi.
Mais je la voudrais très belle,
Et voudrais encor
Qu’elle eût une ribambelle
De beaux écus d’or.
Certes, un lyreur irritable
N’est pas un miché,
Mais c’est un parti sortable,
Sinon recherché.
Je ne suis pas sans fortune,
D’ailleurs, savez-vous ?
J’ai mes terrains de la lune
Semés de cailloux ;
J’ai de l’air sur la montagne…
Je ne compte pas
Mille châteaux en Espagne,
Tout là-bas, là-bas…
Ni mes palais sur le sable,
Mes rêves en l’air,
C’est quelque chose, que diable !
Ni ma part d’enfer.
Ma reine ! je l’ai trouvée
Plus splendide encor
Que je ne l’avais rêvée :
En chair et en or !
Eh bien ! nous ferons la noce
Quand le mois de mai
Roulera sur son carrosse
De roses gemmé.
Nous n’irons pas à l’église,
Mince d’horizon !
— Quatre murs, quoi qu’on dise
Sont toujours prison.
Mais dans la forêt voisine,
Sous le grand ciel bleu ;
Les forêts sont, j’imagine,
Plus pleines de Dieu.
N’aurons non plus de prêtaille
En habits de paon,
Dont la voix nasille et braille :
Balaban, ban ban.
Je ne veux pour tous murmures
Sous les verts arceaux,
Que le chant dans les ramures
Des petits oiseaux.
Et les pins mélancoliques
Pour mon cœur fervent
Seront les orgues mystiques,
Si souffle le vent.
Les cieux, comme une féerie,
Seront éclatants :
Poète qui se marie
A toujours beau temps.
Si, comme témoins, ma mie,
Et comme invités
A toute une académie
De rois hauts cotés
De seigneurs sans importance…
— Car je ne saurais
L’en empêcher, comme on pense,
Pour avoir la paix ;
J’en aurai, moi, de plus chouettes
Et sans nul arroi,
Car ce sera des poètes,
Des gueux comme moi.
Après la cérémonie…
Quoi, me dira-t-on,
La noce est-elle finie
Sans un gueuleton ?
Ah ! loin de moi ces pensées
C’est me faire affront.
Des tables seront dressées
Qui s’écrouleront
Sous mille vins délectables,
Mille vins rêvés.
Je dirai aux pauvres diables :
Mangez et buvez.
N’épargnez pas la popotte,
Puisque, aussi bien, c’est
Elle qui paiera la note
Dessus son budget.
Et je dirai à ma reine :
« M’amour, donne-leur
À tous une bourse pleine
Avec une fleur ;
La fleur où le rire éclate,
Pour leur rappeler
De ta bouche délicate
Le galant parler ;
Et la bourse où l’or flamboie,
Pour — uniquement —
Leur donner un peu de joie
Pendant un moment.
Ils célébreront ta gloire
Sur l’aile des vers,
Et rediront ta mémoire
Par tout l’univers.
Nous, nous aurons, je l’espère,
Des enfants, un jour,
Qui feront, comme leur père,
Des vers à leur tour.