Valentines et autres vers/Supérieure

J’entendais parler tout à l’heure
D’une femme supérieure.
Ce n’est, ma Mignonne… pas Toi…
Car… que sais-tu faire en ce monde,
Petite reine toute ronde
Faite au tour pour le bal du roi ?

Oui, raconte-nous tes affaires ;
Ah ! voilà longtemps que les verres
De ta quenouille sont cassés !
Tu ne sais faire, ni couture…
Les pommes au lard, par nature !
Soit ! mais, franchement, est-ce assez ?

Tu ne sais rien faire que lire ;
Cependant, Tu pourrais écrire,
Sculpter, peindre… l’homme et les cieux ;
Mais on voit ta crainte profonde
De n’arriver que la seconde
Et surtout derrière un monsieur.

Si Tu cultivais la Musique,
Ah !… quel enchantement physique !
Quels chefs-d’œuvre de Passion !
Mais Tu passes ton temps à lire
Tout, de l’excellent jusqu’au pire,
« À titre d’information ».

Tu ne sais rien faire qu’entendre,
Discerner, saisir, et comprendre
Que tout est clair comme le jour.
Car la femme supérieure,
Tu vois bien que c’est la meilleure,
Celle qui fait le mieux l’amour.

Celle qui garde sous ses tresses
Le plus grand trésor de caresses,
Les baisers les plus triomphants,
Qui cherchent à dépasser sa mère
Et fait tous ses efforts pour faire,
Pour faire les plus beaux enfants.

Car la femme qui peint les anges,
Qui signe des romans étranges,
Qui fait des vers, bien mieux que moi,
De la musique, et la meilleure,
Peut bien être supérieure
Aux autres femmes — pas à Toi.

Car la femme qui fait la femme,
Avec son corps où brûle une âme,
Dans un lit, troublant, pour le roi,
Qui de baisers dévore l’heure,
Peut bien être supérieure
À tous les hommes — pas à Toi.

Collection: 
1921

More from Poet

  • Ni tout noirs, ni tout verts, couleur
    D'espérances jamais en fleur,
    Les ifs balancent des colombes,
    Et cela réjouit les tombes.

    Elles éclatent, dans les ifs,
    Ainsi que des fruits excessifs,
    Effeuillant leurs plumes perdues
    Au vent des vieilles avenues...

  • C'est la triste feuille morte
    Que le vent d'octobre emporte,
    C'est la lune, au front du jour,
    Que nulle étoile n'escorte,
    Au soleil, c'est mon amour,
    L'enfant plus pâle que blanche :
    Beau fruit mourant sur la branche !

    Mais quand la nuit est levée...

  • Nous habiterons un discret boudoir,
    Toujours saturé d'une odeur divine,
    Ne laissant entrer, comme on le devine,
    Qu'un jour faible et doux ressemblant au soir.

    Une blonde frêle en mignon peignoir
    Tirera des sons d'une mandoline,
    Et les blancs rideaux tout en...

  • Elle veille en sa chaise étroite ;
    Quelque roi d'Egypte a sculpté
    Dans l'extase et la gravité
    Le corps droit et la tête droite.

    Moitié coiffe et moitié bandeau,
    Fond pur à des lignes vermeilles,
    Un pan tourne autour des oreilles,
    Sa robe est la prison...

  • Parmi les marbres qu'on renomme
    Sous le ciel d'Athène ou de Rome,
    Je prends le plus pur, le plus blanc,
    Je le taille et puis je l'étale
    Dans ta pose d'Horizontale
    Soulevée... un peu... sur le flanc...

    Voici la tête qui se dresse,
    Qu'une ample chevelure...