Un crucifix

Au bout d’un bas-côté de l’église gothique,
Contre le mur que vient baiser le jour mystique
D’un long vitrail d’azur et d’or finement roux,
Le Crucifix se dresse, ineffablement doux,
Sur sa croix peinte en vert aux arêtes dorées,
Et la gloire d’or sombre en langues échancrées
Flue autour de la tête et des bras étendus,
Tels quatre vols de flamme en un seul confondus.
La statue est en bois, de grandeur naturelle,
Légèrement teintée, et l’on croirait sur elle
Voir s’arrêter la vie à l’instant qu’on la voit,
Merveille d’art pieux, celui qui la fit doit
N’avoir fait qu’elle et s’être éteint dans la victoire
L’être un bon ouvrier trois fois sûr de sa gloire.
« Voilà l’homme ! » Robuste et délicat pourtant.
C’est bien le corps qu’il faut pour avoir souffert tant,

Et c’est bien la poitrine où bat le Cœur immense :
Par les lèvres le souffle expirant dit : « Clémence »
Tant l’artiste les a disjointes saintement,
Et les bras grands ouverts prouvent le Dieu clément ;
La couronne d’épine est énorme et cruelle
Sur le front inclinant sa pâleur fraternelle
Vers l’ignorance humaine et l’erreur du pécheur,
Tandis que, pour noyer le scrupule empêcheur
D’aimer et d’espérer comme la Foi l’enseigne,
Les pieds saignent, les mains saignent, le côté saigne ;
On sent qu’il s’offre au Père en toute charité.
Ce vrai Christ catholique éperdu de bonté,
Pour spécialement sauver vos âmes tristes,
Pharisiens naïfs, sincères jansénistes !
— Un ami qui passait, bon peintre et bon chrétien
Et bon poète aussi — les trois s’accordent bien —
Vit cette œuvre sublime, en fit une copie
Exquise, et, surprenant mon regard qui l’épie,
Très gracieusement chez moi vint l’oublier.
Et j’ai rimé ces vers pour le remercier. —

Collection: 
1864

More from Poet

Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure;

Et je m’en vais
Au vent mauvais...

(A Germain Nouveau)

Dans une rue, au coeur d'une ville de rêve
Ce sera comme quand on a déjà vécu :
Un instant à la fois très vague et très aigu...
Ô ce soleil parmi la brume qui se lève !

Ô ce cri sur la mer, cette voix dans les bois !
Ce sera comme quand...

Un pavillon à claires-voies
Abrite doucement nos joies
Qu'éventent des rosiers amis;

L'odeur des roses, faible, grâce
Au vent léger d'été qui passe,
Se mêle aux parfums qu'elle a mis ;

Comme ses yeux l'avaient promis,
Son courage est grand et sa lèvre...

Je suis l'Empire à la fin de la décadence,
Qui regarde passer les grands Barbares blancs
En composant des acrostiches indolents
D'un style d'or où la langueur du soleil danse.

L'âme seulette a mal au coeur d'un ennui dense.
Là-bas on dit qu'il est de longs combats...

(A Villiers de l'Isle-Adam)

Dans un palais, soie et or, dans Ecbatane,
De beaux démons, des satans adolescents,
Au son d'une musique mahométane,
Font litière aux Sept Péchés de leurs cinq sens.

C'est la fête aux Sept Péchés : ô qu'elle est belle !
Tous les...