Près de l’humide empire où Vénus prit naissance,
Dans un bois consacré par le malheur d’Atys,
Le Sommeil et l’Amour, tous deux d’intelligence,
A l’amoureux Pélée avaient livré Thétis.
Qu’eut fait Minerve même, en cet état réduite ?
Mais, dans l’art de Protée en sa jeunesse instruite,
Elle sut éluder un amant furieux :
D’une ardente lionne elle prend l’apparence.
Il s’émeut, et, tandis qu’il songe à sa défense,
La Nymphe, en rugissant, se dérobe à ses yeux.
Où fuyez-vous, déesse inexorable,
Cruel lion de carnage altéré ?
Que craignez-vous d’un amant misérable,
Que vos rigueurs ont déjà déchiré ?
Il ne craint point une mort rigoureuse ;
II s’offre à vous sans armes, sans secours ;
Et votre fuite est pour lui plus affreuse
Que les lions, les tigres et les ours.
Où fuyez-vous, déesse inexorable,
Cruel lion de carnage altéré ?
Que craignez-vous d’un amant misérable,
Que vos rigueurs ont déjà déchiré ?
Ce héros malheureux exprimait en ces mots
Sa honte et sa douleur extrême,
Quand tout à coup, du fond des flots,
Protée apparaissant lui-même :
Que fais-tu, lui dit-il, faible et timide amant ?
Pourquoi troubler les airs de plaintes éternelles ?
Est-ce d’aujourd’hui que les belles
Ont recours au déguisement !
Répare ton erreur. La Nymphe qui te charme
Va rentrer dans le sein des mers ;
Attends-la sur ces bords ; mais que rien ne t’alarme,
Et songe que tu dois Achille à l’univers.
Le guerrier qui délibère
Fait mal sa cour au dieu Mars :
L’amant ne triomphe guère,
S’il n’affronte les hasards.
Quand le péril nous étonne,
N’importunons point les dieux :
Vénus, ainsi que Bellone,
Aime les audacieux.
Le guerrier qui délibère
Fait mal sa cour au dieu Mars :
L’amant ne triomphe guère,
S’il n’affronte les hasards.
Pelée, à ce discours, portant au loin sa vue,
Voit paraître l’objet qui le tient sous ses lois :
Heureux que, pour lui seul, l’occasion perdue
Renaisse une seconde fois !
Le cœur plein d’une noble audace,
Il vole à la déesse; il l’approche, il l’embrasse.
Thétis veut se défendre ; et, d’un prompt changement
Employant la ruse ordinaire,
Redevient, à ses yeux, lion, tigre, panthère :
Vains objets, qui ne font qu’irriter son amant.
Ses désirs ont vaincu sa crainte :
Il la retient toujours d’un bras victorieux ;
Et, lasse de combattre, elle est enfin contrainte
De reprendre sa forme et d’obéir aux dieux.
Amants, si jamais quelque belle,
Changée en lionne cruelle,
S’efforce à vous faire trembler,
Moquez-vous d’une image feinte ;
C’est un fantôme que sa crainte
Vous présente pour vous troubler.
Elle veut, en prenant l’image
D’un tigre ou d’un lion sauvage,
Effrayer les jeunes Amours ;
Mais, après un effort extrême,
Elle redevient elle-même,
Et ces dieux triomphent toujours.