Souviens-toi, Dellius, dans l’épreuve et la peine,
Dans les félicités que le sort peut offrir,
De conserver une âme également sereine,
Car il te faut mourir ;
Soit que ton cœur, sans trêve ait langui de tristesse,
Soit que, loin des tracas, tu te sois réjoui,
Buvant, couché sur l’herbe en des jours de liesse,
Le Falerne vieilli.
À l’ombre hospitalière où frémit la ramure
Du peuplier d’argent et du pin orgueilleux,
Au bord de ce ruisseau fugitif qui murmure
Dans son lit sinueux,
Ordonne d’apporter les parfums et l’amphore,
Et du riant rosier les éphémères fleurs,
Heureux vivant ! tandis que le permet encore
Le noir fil des trois Sœurs.
Il faudra le quitter ton domaine splendide,
Ta villa que le Tibre arrose de flots d’or
Il faudra la quitter ! Un héritier avide
Comptera ton trésor.
Qu’importe que tu sois issu de race infime
Ou riche et descendant de l’antique Inachus,
Ou bien sans autre toit que l’azur, ô victime
De l’implacable Orcus !
Nous sommes tous poussés au même précipice ;
Car, de l’urne sorti, notre destin mortel
Nous jette tôt ou tard dans la barque qui glisse
Vers l’exil éternel.