Sommeil, fils de la Nuit, doux repos de notre âme,
Qui fait ma belle Nymphe en son lit reposer,
Puisque ton charme peut son esprit amuser,
Plonge dans l'eau d'oubli le courroux qui l'enflamme.
Fais-lui voir en dormant le regret qui me ronge,
La portant au réveil de la haine à l'amour,
Si bien qu'en revoyant la lumière du jour,
Elle aille racontant mon offense pour songe.
Je suis assez puni pour mon outrecuidance,
M'ayant depuis un mois son logis défendu,
Il est temps que son coeur de colère éperdu
Ait autant de pitié que j'ai de repentance.
Cher ami du silence, enchanteur agréable,
Pour effacer mon crime et bannir mes travaux,
Fais de ma vraie erreur un conte, un ombre faux,
Comme tu rends le faux maintes fois véritable.
Pour avoir découvert l'endroit inaccessible,
En présence d'Amour et du lit seulement,
En dois-je être puni si rigoureusement
Que le juge en soit cause et l'acte irrémissible ?
Hélas ! tiens aussi fort sa paupière pressée
Que tu fis l'autre fois celle d'Endymion,
Et nous serons tous deux, par cette invention,
Moi beaucoup plus content, elle moins offensée. [...]