Sonnet six de vingt neuf

Ce dit maint un de moi, de quoi se plaint-il tant,
Perdant ses ans meilleurs en chose si légère ?
Qu’a-t-il tant à crier, si encore il espère ?
Et s’il n’espère rien, pourquoi n’est-il content ?

Quand j’étais libre et sain j’en disais bien autant.
Mais certes celui-là n’a la raison entière,
Ains a le cœur gâté de quelque rigueur fière,
S’il se plaint de ma plainte, et mon mal il n’entend.

Amour tout à un coup de cent douleurs me point,
Et puis l’on m’avertit que je ne crie point.
Si vain je ne suis pas que mon mal j’agrandisse

À force de parler : s’on m’en peut exempter,
Je quitte les sonnets, je quitte le chanter.
Qui me défend le deuil, celui-là me guérisse.

Ce dit maint un de moi, de quoi se plaint-il tant,
Perdant ses ans meilleurs en chose si légère ?
Qu’a-t-il tant à crier, si encore il espère ?
Et s’il n’espère rien, pourquoi n’est-il content ?

Quand j’étais libre et sain j’en disais bien autant.
Mais certes celui-là n’a la raison entière,
Ains a le cœur gâté de quelque rigueur fière,
S’il se plaint de ma plainte, et mon mal il n’entend.

Amour tout à un coup de cent douleurs me point,
Et puis l’on m’avertit que je ne crie point.
Si vain je ne suis pas que mon mal j’agrandisse

À force de parler : s’on m’en peut exempter,
Je quitte les sonnets, je quitte le chanter.
Qui me défend le deuil, celui-là me guérisse.

Collection: 
1550

More from Poet

  • Jà reluisoit la benoiste journee
    Que la nature au monde te devoit,
    Quand des thresors qu'elle te reservoit
    Sa grande clef te feust abandonnee.

    Tu prins la grace à toy seule ordonnee,
    Tu pillas tant de beautez qu'elle avoit,
    Tant qu'elle fiere, a lors qu'elle...

  • Ce n'est pas moy que l'on abuse ainsi :
    Qu'à quelque enfant, ces ruzes on emploie,
    Qui n'a nul goust, qui n'entend rien qu'il oye :
    Je sçay aymer, je sçay hayr aussi.

    Contente toy de m'avoir jusqu'ici
    Fermé les yeux ; il est temps que j'y voie,
    Et que meshui...

  • Si contre Amour je n'ay autre deffence,
    Je m'en plaindray, mes vers le maudiront,
    Et apres moy les roches rediront
    Le tort qu'il faict à ma dure constance.

    Puis que de luy j'endure cette offence,
    Au moings tout haut, mes rithmes le diront,
    Et nos neveus, a...

  • Quoy ? qu'est ce ? ô vans, ô nuës, ô l'orage !
    A point nommé, quand moy d'elle aprochant,
    Les bois, les monts, les baisses vois tranchant,
    Sur moy, d'aguest, vous passez vostre rage.

    Ores mon coeur s'embrase d'avantage.
    Allez, allez faire peur au marchant
    Qui...

  • Quand tes yeux conquerans estonné je regarde,
    J'y veoy dedans à clair tout mon espoir escript ;
    J'y veoy dedans Amour luy mesme qui me rit,
    Et m'y monstre, mignard, le bon heur qu'il me garde.

    Mais, quand de te parler par fois je me hazarde
    C'est lors que mon...