À Ernest CHEROUX (Lice chansonnière).
Comme un ruban jaune étendu
Sous ta voûte de calme et d’ombre,
Petit sentier, dans le bois sombre,
Tu vas indécis et perdu.
Cerveau malade, âme ravie,
Entre la ronce et l’églantier,
Je vais comme toi dans la vie...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Je vais au frais sans savoir où.
Je vais garantissant ma tête
Du soleil que j’aime en poète,
Du soleil méchant qui rend fou....
Me mènes-tu dans ma vallée ?
Vais-je y trouver un oreiller,
Pour ma pauvre tête fêlée ?...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Me mènes-tu dans la prison,
Dans la prison qu’on nomme ville ?...
Là, des cris de guerre civile
M’ont ôté mon peu de raison.
Au hasard des forces brutales,
Jouant l’avenir tout entier,
L’apôtre même y fond des balles...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Chênes brodés et talus verts,
Muets quand passe l’égoïste,
Vous faites pour le pauvre artiste
Pousser les dessins et les vers.
Verve ou douleur, mon front s’allume !
Me mènes-tu dans l’atelier
Où sont mes fusains et ma plume ?
Où mènes-tu, petit sentier ?
Sous des touffes pleines de voix,
Comme des lèvres sous des voiles,
Plus nombreuses que les étoiles,
Ont rougi les fraises des bois.
Un jour de sauvage ambroisie,
Puis demain... plus rien au fraisier,
Ainsi s’en va ma poésie !...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Fontainebleau, août 1867.