• Les ajoncs éclatants, parure du granit,
    Dorent l'âpre sommet que le couchant allume ;
    Au loin, brillante encor par sa barre d'écume,
    La mer sans fin commence où la terre finit.

    A mes pieds c'est la nuit, le silence. Le nid
    Se tait, l'homme est rentré sous le chaume qui fume.
    Seul, l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume,
    A la vaste rumeur de l'...

  • Cartagena de Indias.
    1532-1583-1697.

    Morne Ville, jadis reine des Océans !
    Aujourd'hui le requin poursuit en paix les scombres
    Et le nuage errant allonge seul des ombres
    Sur ta rade où roulaient les galions géants.

    Depuis Drake et l'assaut des Anglais mécréants,
    Tes murs désemparés croulent en noirs décombres
    Et, comme un glorieux...

  • Sous l'azur triomphal, au soleil qui flamboie,
    La trirème d'argent blanchit le fleuve noir
    Et son sillage y laisse un parfum d'encensoir
    Avec des sons de flûte et des frissons de soie.

    A la proue éclatante où l'épervier s'éploie,
    Hors de son dais royal se penchant pour mieux voir,
    Cléopâtre debout en la splendeur du soir
    Semble un grand oiseau d'or...

  • Le quadrige céleste à l'horizon descend,
    Et, voyant fuir sous lui l'occidentale arène,
    Le Dieu retient en vain de la quadruple rêne
    Ses étalons cabrés dans l'or incandescent.

    Le char plonge. La mer, de son soupir puissant,
    Emplit le ciel sonore où la pourpre se traîne,
    Tandis qu'à l'Est d'où vient la grande nuit sereine
    Silencieusement s'argente le...

  • Au rude Arès ! A la belliqueuse Discorde !
    Aide-moi, je suis vieux, à suspendre au pilier
    Mes glaives ébréchés et mon lourd bouclier,
    Et ce casque rompu qu'un crin sanglant déborde.

    Joins-y cet arc. Mais, dis, convient-il que je torde
    Le chanvre autour du bois ? - c'est un dur néflier
    Que nul autre jamais n'a su faire plier -
    Ou que d'un bras tremblant...

  • Jadis, à travers bois, rocs, torrents et vallons,
    Errait le fier troupeau des Centaures sans nombre ;
    Sur leurs flancs le soleil se jouait avec l'ombre ;
    Ils mêlaient leurs crins noirs parmi nos cheveux blonds.

    L'été fleurit en vain l'herbe. Nous la foulons
    Seules. L'antre est désert que la broussaille encombre ;
    Et parfois je me prends, dans la nuit chaude...

  • Un des consuls tué, l'autre fuit vers Linterne
    Ou Venuse. L'Aufide a débordé, trop plein
    De morts et d'armes. La foudre au Capitolin
    Tombe, le bronze sue et le ciel rouge est terne.

    En vain le Grand Pontife a fait un lectisterne
    Et consulté deux fois l'oracle sibyllin ;
    D'un long sanglot l'aïeul, la veuve, l'orphelin
    Emplissent Rome en deuil que...

  • Ni bruits d'aile, ni sons d'eau vive, ni murmures ;
    La cendre du soleil nage sur l'herbe en fleur,
    Et de son bec furtif le bengali siffleur
    Boit, comme un sang doré, le jus des mangues mûres.

    Dans le verger royal où rougissent les mûres,
    Sous le ciel clair qui brûle et n'a plus de couleur,
    Leïlah, languissante et rose de chaleur,
    Clôt ses yeux aux longs...

  • Tu te tairas, ô voix sinistre des vivants !

    Blasphèmes furieux qui roulez par les vents,
    Cris d'épouvante, cris de haine, cris de rage,
    Effroyables clameurs de l'éternel naufrage,
    Tourments, crimes, remords, sanglots désespérés,
    Esprit et chair de l'homme, un jour vous vous tairez !
    Tout se taira, dieux, rois, forçats et foules viles,
    Le rauque...

  • Tel qu'un morne animal, meurtri, plein de poussière,
    La chaîne au cou, hurlant au chaud soleil d'été,
    Promène qui voudra son c?ur ensanglanté
    Sur ton pavé cynique, ô plèbe carnassière !

    Pour mettre un feu stérile en ton oeil hébété,
    Pour mendier ton rire ou ta pitié grossière,
    Déchire qui voudra la robe de lumière
    De la pudeur divine et de la volupté....