• Le vieux chemin creusé d'ornières ?
    Il a trop plu.
    Le vieux chemin de la Carrière,
    Celui du vieux moulin qui ne moud plus,
    Le chemin du Seigneur qui n'a plus de château,
    Le chemin du Bourreau,
    Le chemin de la malle-poste,
    Et ceux qui les croisaient, tous les chemins herbus,
    Tous les chemins pleins d'eau,
    Tous les chemins perdus...
    ...

  • L'Honneur de souffrir
    ANNA DE NOAILLES.

    Douleur, je vous déteste ! Ah ! que je vous déteste !
    Souffrance, je vous hais, je vous crains, j'ai l'horreur
    De votre guet sournois, de ce frisson qui reste
    Derrière vous, dans la chair, dans le coeur...

    Derrière vous, parfois vous précédant,
    J'ai senti cette chose inexprimable, affreuse :
    Une...

  • Solitude... Pour vous cela veut dire seul,
    Pour moi - qui saura me comprendre ?
    Cela veut dire : vert, vert dru, vivace tendre,
    Vert platane, vert calycanthe, vert tilleul.

    Mot vert. Silence vert. Mains vertes
    De grands arbres penchés, d'arbustes fous ;
    Doigts mêlés de rosiers, de lauriers, de bambous,
    Pieds de cèdres âgés où se concertent
    ...

  • Vallée du Gavaudun.

    Ne me parlez ni de la tour,
    Ni des belles ruines rousses,
    Ni de cette vivante housse
    De feuillages en demi-jour.

    La gorge est trop fraîche et trop verte ;
    La rivière, comme un serpent,
    S'y tord, à peine découverte
    Sous trop d'herbe où reste en suspens
    Le mystère des forêts vierges.

    Ne me parlez ni de...

  • Entends la chanson de l'eau...
    Comme il pleut, comme il pleut vite !
    Il semble que des grelots
    Dans la gouttière s'agitent.

    A l'abri dans ton dodo
    Entends la chanson de l'eau !

    Entends la chanson du vent...
    Comme les branches s'agitent !
    Les nids d'oiseaux, bien souvent,
    Sont bercés, bercés trop vite.

    A l'abri des...

  • Ne pas se rappeler en suivant ce chemin...
    Ne pas se rappeler... Je te donnais la main.
    Nos pas étaient semblables,
    Nos ombres s'accordaient devant nous sur le sable,
    Nous regardions très loin ou tout près, simplement.
    L'air sentait ce qu'il sent en ce moment.
    Le vent ne venait pas de l'Océan. De là
    Ni d'ailleurs. Pas de vent. Pas de nuage. Un pin...

  • Un seul coeur ? Impossible
    Si c'est par lui qu'on souffre et que l'on est heureux.
    On dit : coeur douloureux,
    Coeur torturé, coeur en lambeaux -
    Puis : joyeux et léger comme un oiseau des Iles,
    Un coeur si grand, si lourd, si gros
    Qu'il n'y a plus de place
    Pour rien d'autre que lui dans notre corps humain.
    Puis évadé, baigné d'une grâce divine ?...

  • Comment je l'imagine ?
    Eh bien, je ne sais pas...
    Peut-être enfant, très blonde, et tenant dans ses bras
    Des branches de glycine ?

    Peut-être plus petite encore, ne sachant
    Que sourire et jaser dans un berceau penchant
    Sous les doigts d'une vieille femme qui fredonne...

    Parfois, je la crois vieille aussi... Belle, pourtant,
    De la beauté...

  • On a beaucoup parlé dans la chambre, ce soir.
    Couché, bordé, la lune entrant par la fenêtre,
    On évoque à travers un somnolent bien-être,
    La vieille qui, là-haut, porte son fagot noir.

    Qu'elle doit être lasse et qu'on voudrait connaître
    Le crime pour lequel nous pouvons tous la voir
    Au long des claires nuits cheminer sans espoir !

    Pauvre...

  • Vous parler ? Non. Je ne peux pas.
    Je préfère souffrir comme une plante,
    Comme l'oiseau qui ne dit rien sur le tilleul.
    Ils attendent. C'est bien. Puisqu'ils ne sont pas las
    D'attendre, j'attendrai, de cette même attente.

    Ils souffrent seuls. On doit apprendre à souffrir seul.
    Je ne veux pas d'indifférents prêts à sourire
    Ni d'amis gémissants. Que...