La Grotte des Lépreux

Vallée du Gavaudun.

Ne me parlez ni de la tour,
Ni des belles ruines rousses,
Ni de cette vivante housse
De feuillages en demi-jour.

La gorge est trop fraîche et trop verte ;
La rivière, comme un serpent,
S'y tord, à peine découverte
Sous trop d'herbe où reste en suspens
Le mystère des forêts vierges.

Ne me parlez ni de l'auberge,
Ni des écrevisses qu'on prend
Dans la mousse et les capillaires.

Je n'ai vu, de ce coin de terre,
Ni la paix du soir transparent,
Ni celle des crêtes désertes.
Mais, barrant le ciel, deux rochers
Tout à coup si nus, écorchés,
Avec plusieurs bouches ouvertes !

Vers ces bouches noires, clamant
On ne sait quelle horreur ancienne,
Savez-vous si, furtivement,
De pauvres âmes ne reviennent ?

Où sont-ils, où sont-ils, mon Dieu,
Ces parias vêtus de rouge
Qui, là-haut, guettaient les soirs bleus
Par les trous béants de ce bouge ?

Grotte des Lépreux, seuil maudit
Au bord de la falaise ocreuse...
Il faudrait qu'on ne m'eût pas dit
Quel frisson traversait jadis
Ce décor de feuilles heureuses...

Collection: 
1921

More from Poet

Pour qui vous a-t-on faits, grands chemins de l'Ouest ?
chemins de liberté que l'on suppose tels
et qui mentez sans doute...

Espaces où surgit le Popocatepelt,
où le noir séquoïa cerne d'étranges routes,
où la faune et la flore ont de si vastes ciels
que l'...

Et puis, c'est oublié.
Ai-je pensé, vraiment, ces choses-là ?
Bon soleil, te voilà
Sur les bourgeons poisseux qui vont se déplier.

Le miracle est partout.
Le miracle est en moi qui ne me souviens plus.
Il fait clair, il fait gai sur les bourgeons velus ;...

Ce que je veux ? Une carafe d'eau glacée.
Rien de plus. Nuit et jour, cette eau, dans ma pensée,
Ruisselle doucement comme d'une fontaine.
Elle est blanche, elle est bleue à force d'être fraîche.
Elle vient de la source ou d'une cruche pleine.
Elle a cet argent flou...

Vous vous tendez vers moi, vertes petites mains des arbres,
Vertes petites mains des arbres du chemin.
Pendant que les vieux murs un peu plus se délabrent,
Que les vieilles maisons montrent leurs plaies,
Vous vous tendez vers moi, bourgeons des haies,
Verts petits...

Vous laissez tomber vos mains rouges,
Vigne vierge, vous les laissez tomber
Comme si tout le sang du monde était sur elles.

A leur frisson, toute la balustrade bouge,
Tout le mur saigne,
Ô vigne vierge... Tout le ciel est imbibé
D'une même lumière rouge....