• Nuit fille de la terre, amène tes flambeaux,
    Et ton silence coi, et des hauts monts descendre
    Fais tes brouillards nuiteux pour ici les étendre
    Et couvrir l'horizon de tes sombres rideaux,

    Afin que le Sommeil des stygieuses eaux
    Vienne arrouser mon chef, et sur mon corps répandre
    Le jus du noir pavot pour m'aider et défendre
    Contre amour inventeur...

  • Les souvenirs, ce sont les chambres sans serrures,
    Des chambres vides où l'on n'ose plus entrer,
    Parce que de vieux parents jadis y moururent.
    On vit dans la maison où sont ces chambres closes.
    On sait qu'elles sont là comme à leur habitude,
    Et c'est la chambre bleue, et c'est la chambre rose...
    La maison se remplit ainsi de solitude,
    Et l'on y continue...

  • Les trains rêvent dans la rosée, au fond des gares...
    Ils rêvent des heures, puis grincent et démarrent...
    J'aime ces trains mouillés qui passent dans les champs,
    Ces longs convois de marchandises bruissant,
    Qui pour la pluie ont mis leurs lourds manteaux de bâches,
    Ou qui forment la nuit entière dans les garages...
    Et les trains de bestiaux où beuglent...

  • Il y a de grands soirs où les villages meurent
    Après que les pigeons sont rentrés se coucher.
    Ils meurent, doucement, avec le bruit de l'heure
    Et le cri bleu des hirondelles au clocher...
    Alors, pour les veiller, des lumières s'allument,
    Vieilles petites lumières de bonnes soeurs,
    Et des lanternes passent, là-bas dans la brume...
    Au loin le chemin gris...

  • Par les vitres grises de la lavanderie,
    J'ai vu tomber la, nuit d'automne que voilà...
    Quelqu'un marche le long des fossés pleins de pluie...
    Voyageur, voyageur de jadis, qui t'en vas,
    A l'heure où les bergers descendent des montagnes,
    Hâte-toi. - Les foyers sont éteints où tu vas,
    Closes les portes au pays que tu regagnes...
    La grande route est vide...

  • Les doux mots que morte et passée...
    On dirait presque des mots d'amour,
    De sommeil et de demi-jour...
    La plupart des mots que l'on sait
    N'enferment pas tant de bonheur.
    On dit Marthe et l'on dit Marie,
    Et cela calme et rafraîchit. -
    Il y a bien des mots qui pleurent
    Ceux-là ne pleurent presque pas...
    Marthe, c'est, au réveil, le pas
    Des mères...

  • Forêt silencieuse, aimable solitude,
    Que j'aime à parcourir votre ombrage ignoré !
    Dans vos sombres détours, en rêvant égaré,
    J'éprouve un sentiment libre d'inquiétude !
    Prestiges de mon coeur ! je crois voir s'exhaler
    Des arbres, des gazons une douce tristesse :
    Cette onde que j'entends murmure avec mollesse,
    Et dans le fond des bois semble encor m'...

  • Paris, 1827.

    Compagnons, détachez des voûtes du portique
    Ces dons du voyageur, ce vêtement antique,
    Que j'avais consacrés aux dieux hospitaliers.
    Pour affermir mes pas dans la course prochaine,
    Remettez dans ma main le vieil appui de chêne
    Qui reposait à mes foyers.

    Où vais-je aller mourir ? Dans les bois des Florides ?
    Aux rives du...

  • Déjà le soir de sa vapeur bleuâtre
    Enveloppait les champs silencieux ;
    Par le nuage étaient voilés les cieux :
    Je m'avançais vers la pierre grisâtre.
    Du haut d'un mont une onde rugissant
    S'élançait : sous de larges sycomores,
    Dans ce désert d'un calme menaçant,
    Roulaient des flots agités et sonores.
    Le noir torrent, redoublant de vigueur,
    ...

  • Vallée au nord, onduleuse prairie,
    Déserts charmants, mon coeur, formé pour vous,
    Toujours vous cherche en sa mélancolie.
    A ton aspect, solitude chérie,
    Je ne sais quoi de profond et de doux
    Vient s'emparer de mon âme attendrie.
    Si l'on savait le calme qu'un ruisseau
    En tous mes sens porte avec son murmure,
    Ce calme heureux que j'ai, sur la...