• J'ai beau trouver bien sympathique
    Feu Loufoquadio,
    Ses Japs en sucre candiot,
    Son Bouddha de boutique ;

    Faime mieux le subtil schéma,
    Sur l'hiver d'un ciel morne,
    De ton aérien bicorne,
    Noble Foujiyama,

    Et tes cèdres noirs, et la source
    Du temple délaissé,
    Qui pleurait comme un coeur blessé,
    Qui pleurait sans ressource...

  • A Londres je connus Bella,
    Princesse moins lointaine
    Que son mari le capitaine
    Qui n'était jamais là.

    Et peut-être aimait-il la mangue ;
    Mais Bella, les Français
    Tels qu'on le parle : c'est assez
    Pour qui ne prend que langue ;

    Et la tienne vaut un talbin.
    Mais quoi ? Rester rebelle,
    Bella, quand te montre si belle
    Le désordre...

  • Circé des bois et d'un rivage
    Qu'il me semblait revoir,
    Dont je me rappelle d'avoir
    Bu l'ombre et le breuvage ;

    Les tambours du Morne Maudit
    Battant sous les étoiles
    Et la flamme où pendaient nos toiles
    D'un éternel midi ;

    Rêves d'enfant, voix de la neige,
    Et vous, murs où la nuit
    Tournait avec mon jeune ennui...
    Collège, noir...

  • Ces premiers froids que l'on réchauffe d'un sarment,
    - Et des platanes d'or le long gémissement,
    - Et l'alcôve au lit noir qui datait d'Henri IV,
    Où ton corps, au hasard de l'ombre dévêtu,
    S'illuminait parfois d'un rouge éclair de l'âtre,
    Quand tu m'aiguillonnais de ton genou pointu,
    Chevaucheuse d'amour si triste et si folâtre ;
    - Et cet abyme où l'on...

  • Dors à mes pieds !... Rêve d'amour
    Mon souffle, comme une caresse,
    Glissera sur le pur contour
    De ce beau front qu'avec paresse
    Tu reposes sur mes genoux.
    Dors à mes pieds, tout fait silence,
    Hors la branche qui se balance,
    Souple et frêle, au-dessus de nous ;
    Dors à mes pieds, tout fait silence.

    Sous mes baisers clos tes yeux noirs,...

  • Belle qui tiens ma vie
    Captive dans tes yeux,
    Qui m'as l'âme ravie
    D'un souris gracieux.
    Viens tôt me secourir,
    Ou me faudra mourir.

    Pourquoi fuis-tu, mignarde,
    Si je suis près de toi ?
    Quand tes yeux je regarde,
    Je me perds dedans moi !
    Car tes perfections
    Changent mes actions.

    Tes beautés et ta grâce
    Et tes divins...

  • Diane, en couche, se sentant
    De la rude mort assaillie,
    Et déjà du tout lui étant
    Là vive parole faillie
    A son mari de main pâlie
    Montre un beau fils, produit à l'heure,
    Comme voulant dire: « Ne pleure
    Avecques l'adieu d'un baiser,
    Ce bel enfant qui te demeure,
    Sera pour ton deuil apaiser ».

  • Fontaine, dont l'eau cristalline,
    D'amont le rocher tombe aval,
    Murmurant parmi la colline,
    Puis tombe paisible en son val,
    Où d'une trace continue
    Torse en serpent, se traîne et pousse,
    Et, à travers l'herbe menue,
    Passe, arrosant l'épaisse mousse,
    Mille et mille oiseaux qui te hantent,
    Le flateux bruit, le frais des eaux,
    Et les...

  • Si de la mort telle était la puissance
    Que du regret qui m'est venu saisi r;
    Ou qu'elle fût sous mon obéissance
    Pour satisfaire à mon plus grand désir,
    J'eusse eu piéça de mourir le loisir.
    Or si la mort que j'appelle et convie
    Me secourir ne peut ou n'a envie,
    Et vivre ainsi vivre se doit nommer,
    Je suis vivant mais c'est de telle vie
    Que...

  • J'ai vécu, j'ai vieilli. De l'humaine misère
    J'ai porté le fardeau tous les jours. Il est grand !
    Sans en excepter un, j'ai refait en pleurant
    Tous les chemins heureux que j'avais sur la terre.

    Je sais ce qu'ici-bas le ciel donne et reprend :
    Deuil d'ami, deuil d'époux, deuil de fils, deuil de père,
    Et deuil public encor ! J'ai bu cette heure amère....