• Ô mal non mal qui doucement m'oppresses !
    Crainte asseuree, ô joyeuse douleur !
    Rians souspirs, vermeillette paleur !
    Coeur abatu, sans aucunes destresses !

    Affections qui estes les maistresses,
    Et qui servez à mon esprit vainqueur !
    Raison rangee, ô bienheureux malheur
    Qui m'abatant tout soudain me redresses !

    Ô morte vie ! ô tresvivante...

  • Lors que la brune nuict charge sa robbe noire,
    Sous icelle tenant tous animaux cachez,
    Et que ces feux luisans au grand ciel attachez,
    Celebrent hautement de l'Eternel la gloire :

    De mon ame la nuict me vient en la memoire
    Et lors que bien couverts je pense mes pechez,
    Tes clairs yeux ne sont point à les voir empeschez :
    Car mon coeur, et ma langue...

  • J'ai voyagé par les trois parts du monde,
    J'ai vu la mer d'où lève le soleil,
    Et j'ai vu l'onde où l'attend le sommeil,
    Et mille biens dont les hautes louanges
    Font ébahir les nations étranges,
    Les y tirant par un désir de voir
    Qui des pays la grandeur veut savoir.
    J'ai enduré mainte dure fortune
    Dessus les flots, royaume de Neptune;
    J'ai enduré...

  • En mon avril la Parque m'a vaincu,
    Mais bien-heureux d'avoir si peu vescu :
    Et que voit-on que fumée en ce monde,
    Un vent, un songe, une onde qui suit l'onde ?
    Tous les humains sont feuilles du printemps,
    Soudain fanis comme l'herbe des champs :
    Tout passe et coule : Atropos ne pardonne
    Non plus aux roys qu'à la basse personne.

    Donc au...

  • L'été sera l'hiver et le printemps l'automne,
    L'air deviendra pesant, le plomb sera léger :
    On verra les poissons dedans l'air voyager
    Et de muets qu'ils sont avoir la voix fort bonne.
    L'eau deviendra le feu, le feu deviendra l'eau
    Plutôt que je sois pris d'un autre amour nouveau.

    Le mal donnera joie, et l'aise des tristesses !
    La neige sera noire, et...

  • Où sont tant de beautés que le printemps avait,
    Ornement des jardins et des molles prairies ?
    Où sont toutes les fleurs des campagnes fleuries ?
    Où est le temps serein qui les coeurs émouvait ?

    Où est le doux plaisir qui dans l'âme pleuvait
    Durant les jeunes mois ? par qui les fantaisies
    Des esprits généreux célestement nourries
    Admiraient les effets...

  • Je meurs de soif auprès de la fontaine ;
    Je treuve doulx ce qui doit estre amer ;
    J'aime et tiens chiers tous ceulx qui me font haine,
    Je hé tous ceulx que fort je deusse amer ;
    Je loue ceulx que je deusse blamer,
    Je prens en gré plus le mal que le bien ;
    Je vais querant ce qu'à trouver je doubte ;
    Croire ne puis cela que je sçay bien,
    Je me tiens...

  • Le blanc
    Entre toutes couleurs suis la premiere,
    Humilité signiffie et simplesse,
    Dont le lys blanc est des fleurs la maistresse :
    Saincte Escripture en donne foy planiere.

    Bleue
    Et moy qui suis de coulleur celestine,
    Dont fin azur a son pris et valleur,
    Signiffiant loyaulté pour meilleur,
    Je doy au blanc par droit estre voisine.
    ...

  • Fable

    Fille d'un pauvre serrurier,
    La blanchisseuse Colinette,
    Jeune, à la taille fine, et toujours propre et nette,
    Sut donner droit au coeur d'un opulent fermier.
    Au bout de quelques mois elle alla chez son père,
    Couverte de damas, galon sur le soulier,
    Et magnifique en tablier.
    "Ah ! dit-elle, en voyant son frère,
    Mon Dieu ! que Jeannot...

  • Ode

    Des ennuis accablants, de la morne tristesse,
    Ô tabac, l'unique enchanteur !
    Des plaisirs ingénus, de l'aimable allégresse,
    Ô tabac, la source et l'auteur !

    Sans toi, tabac chéri, mon esprit est sans joie,
    Dans les chagrins il est plongé :
    De leurs efforts fréquents il deviendrait la proie,
    S'il n'était par toi soulagé.

    En...