• En quelle nuit, de ma lance d'ivoire,
    Au mousse bout d'un corail rougissant,
    Pourrai-je ouvrir ce boutin languissant,
    En la saison de sa plus grande gloire ?

    Quand verserai-je, au bout de ma victoire,
    Dedans sa fleur le cristal blanchissant,
    Donnant couleur à son teint pâlissant,
    Sous le plaisir d'une longue mémoire ?

    Puisse elle tôt à bonne...

  • Plutôt la mort me vienne dévorer,
    Et engloutir dans l'abîme profonde
    Du gouffre obscur de l'oblivieuse onde,
    Qu'autre que toi, l'on me voit adorer.

    Mon bracelet, je te veux honorer
    Comme mon plus précieux en ce monde :
    Aussi viens-tu d'une perruque blonde,
    Qui pourrait l'or le plus beau redorer.

    Mon bracelet, mon cher mignon, je t'aime...

  • J'aime le verd laurier, dont l'hyver ny la glace
    N'effacent la verdeur en tout victorieuse,
    Monstrant l'eternité à jamais bien heureuse
    Que le temps, ny la mort ne change ny efface.

    J'aime du hous aussi la toujours verte face,
    Les poignans eguillons de sa fueille espineuse :
    J'aime la lierre aussi, et sa branche amoureuse
    Qui le chesne ou le mur...

  • Tu sçais, o vaine Muse, o Muse solitaire
    Maintenant avec moy, que ton chant qui n'a rien
    De vulgaire, ne plaist non plus qu'un chant vulgaire.

    Tu sçais que plus je suis prodigue de ton bien
    Pour enrichir des grans l'ingrate renommée
    Et plus je perds le tems, ton espoir et le mien.

    Tu sçais que seulement toute chose est aymée
    Qui fait d'un...

  • Myrrhe bruloit jadis d'une flamme enragée,
    Osant souiller au lict la place maternelle
    Scylle jadis tondant la teste paternelle,
    Avoit bien l'amour vraye en trahison changée.

    Arachne ayant des Arts la Deesse outragée,
    Enfloit bien son gros fiel d'une fierté rebelle :
    Gorgon s'horrible bien quand sa teste tant belle
    Se vit de noirs serpens en lieu de poil...

  • Je pensais que mon coeur échappé du naufrage
    Dût être maintenant un peu plus avisé,
    Mais quoi ! plus on le trompe et moins il est rusé,
    Plus il vieillit au monde et moins il devient sage.

    Revoyant la mer calme et le ciel sans nuage
    Il se remit au vent qui l'avait maitrisé :
    Hélas il te faudrait, pauvre coeur abusé,
    Avoir de la fortune autant que...

  • Sommeil, fils de la Nuit, doux repos de notre âme,
    Qui fait ma belle Nymphe en son lit reposer,
    Puisque ton charme peut son esprit amuser,
    Plonge dans l'eau d'oubli le courroux qui l'enflamme.

    Fais-lui voir en dormant le regret qui me ronge,
    La portant au réveil de la haine à l'amour,
    Si bien qu'en revoyant la lumière du jour,
    Elle aille racontant...

  • Quand je veux mesurer votre auguste hautesse
    A l'état abaissé de mon coeur langoureux,
    Je me plains de l'amour, ce tyran rigoureux,
    Qui par si haut objet abusa ma jeunesse,

    D'autant que le penser qui m'élève sans cesse
    Presque ne peut atteindre à cet astre amoureux,
    Tant que hors d'espérance, il me faut, malheureux,
    Redoutant le destin maudir' la...

  • Ô Nuit plaisante et sereine,
    Viens découvrir à nos yeux
    Ton beau char qui se pourmène
    Par les campagnes des cieux.
    Sors de ta caverne obscure
    Dans le saphir éclatant,
    Pendant qu'en cette verdure
    Je vais ton los racontant.

    Rallume ta clarté sainte,
    Que le grand Soleil jaloux
    Avait par sa flamme éteinte,
    Passant à midi sur nous,...

  • Doux sommeil enchanteur qui silles la paupière
    De celle que je vois doucement reposer,
    Veuille d'avec son coeur la haine diviser
    Qui la rend contre moi si cruelle et si fière,

    Fais-lui voir en songeant mon âme prisonnière
    Qu'un brûlant repentir vient partout embraser,
    Et si cela ne peut son courroux apaiser,
    Fais-moi voir à ses pieds sans vie et...