Ô agréable Songe, où t'en vas-tu si vite ?
T'éloignant, ton départ renouvelle mon deuil,
Mon esprit, beaucoup plus prévoyant que mon oeil,
N'estimait que mon heur tu dusses mettre en fuite.
Ta nature trompeuse a mon âme réduite
D'avoir banni mon bien par un fâcheux réveil.
Morphée, que n'as-tu prolongé mon sommeil,
Afin que ta faveur ne me fût...
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Doucette voix qui confortes mon âme,
Oeil gracieux qui réjouis le mien,
Front de relief où gît mon entretien,
Sucré baiser que du coeur je réclame,
Esprit humain, le trésor de ma dame,
De tous ces dons le plus souverain bien,
Sur qui l'effort de fortune, qui trame
Tous nos malheurs, jamais ne pourra rien,
Mignarde voix, flatte-moi à... -
Ha ! main qui doucement me déchirez le coeur,
Et qui tenez ma main en l'amoureux cordage,
Main où nature veut montrer son bel ouvrage,
Et où le ciel versa sa bénigne faveur,
Las ! au lieu de ce gant qui reçoit tant d'honneur
Que d'embrasser ce qui m'enflamme le courage,
Permettez qu'à présent j'aie cet avantage
Que d'être le gardien d'une telle... -
Adriane, mon coeur, baise-moi, je te prie,
Puisque ce doux baiser qui coule lentement
Avec l'air frétillard d'un gentil mouvement
Est le seul appétit qui chatouille ma vie.
Or que moi transporté, orsus que toi ravie,
De mille autres regards faits réciproquement,
Nous puissions désormais nous voir si fermement
Que la force des lynx ait dessus nous... -
Pour donner de ma foi les preuves manifestes,
Mon âme en vous servant est tombée en langueur,
Amour, crainte et regret, désespoir et fureur,
Sont de ma loyauté les marques plus secrètes.
Je suis votre Actéon, ma Diane vous êtes
Qui m'embrasez plus fort quand plus votre froideur
Veut éteindre le feu allumé dans mon coeur,
Prenant votre plaisir au... -
Oeil mon petit mignon, ma douce friandise,
Oeil bien caractéré des mignardes amours,
Oeil miroir de mon coeur, je verrai donc toujours
Quelque brave écumeur lequel me contredise.
Oeil, je jure par l'heur et par la foi requise
Au devoir d'amitié, que si tu n'as recours
Au mépris du parler du variable cours,
Tu verras tout soudain tous mes traits de... -
Comme un navire en mer au fort de la tourmente,
Prêt à choquer les rocs par les vents agité,
Sitôt qu'un feu de joie a montré sa clarté,
L'air se tait, l'eau se calme, et l'orage s'absente,
La nef sans peur recourt sur sa première sente
Au rivage étranger qu'elle avait écarté,
Fait voile assurément, mire son nord quitté,
Et selon son dessein surgit... -
Veux-tu savoir, Mondain, quel est mon être au monde ?
Je ne suis rien qu'un mort qui, vif entre les morts,
Meurs entre les vivants, sous les divers efforts
Du contraste au combat où tout mon heur je fonde.
De ces duels ma trêve à son salut redonde,
De mes maux sourd mon bien et d'accordants discords
Mon esprit m'entretient en paix avec mon corps,
D'... -
Sonnet
Pour entrée au sujet des saints soupirs, sur l'homme animal et spirituel
D'un accordant discord s'entrechoquent en moi
Deux hommes en un homme, en un corps deux natures,
Deux formes en un être, et en deux créatures
Une personne humaine où un se double en soi.
En nous donc n'étant qu'un, où deux pourtant je vois,
S'accordent... -
Ce Monde, comme on dit, est une cage à fous,
Où la guerre, la paix, l'amour, la haine, l'ire,
La liesse, l'ennui, le plaisir, le martyre
Se suivent tour à tour et se jouent de nous.
Ce Monde est un théâtre où nous nous jouons tous
Sous habits déguisés à malfaire et médire.
L'un commande en tyran, l'autre, humble, au joug soupire ;
L'un est bas, l'...