• Ô Nuit ! jalouse Nuit, contre moi conjurée,
    Qui renflammes le ciel de nouvelle clarté,
    T'ai-je donc aujourd'hui tant de fois désirée
    Pour être si contraire à ma félicité ?

    Pauvre moi ! je pensais qu'à ta brune rencontre
    Les cieux d'un noir bandeau dussent être voiles
    Mais, comme un jour d'été, claire tu fais ta montre,
    Semant parmi le ciel mille...

  • Rosette, pour un peu d'absence,
    Votre coeur vous avez changé,
    Et moi, sachant cette inconstance,
    Le mien autre part j'ai rangé :
    Jamais plus, beauté si légère
    Sur moi tant de pouvoir n'aura
    Nous verrons, volage bergère,
    Qui premier s'en repentira.

    Tandis qu'en pleurs je me consume,
    Maudissant cet éloignement,
    Vous qui n'aimez que par...

  • Qu'on m'arrache le coeur, qu'on me fasse endurer
    Le feu, le fer, la roue, et tout autre supplice,
    Que l'ire des tyrans dessus moi s'assouvisse,
    Je pourrai tout souffrir sans gémir ni pleurer.

    Mais qu'on veuille en vivant de moi me séparer,
    M'ôter ma propre forme, et par tant d'injustice
    Vouloir que sans mourir de vous je me bannisse,
    On ne saurait...

  • Je ressemble en aimant au valeureux Persée
    Que sa belle entreprise a fait si glorieux,
    Ayant d'un vol nouveau pris la route des dieux,
    Et sur tous les mortels sa poursuite haussée.

    Emporté tout ainsi de ma haute pensée
    Je vole aventureux aux soleils de vos yeux,
    Et vois mille beautés qui m'élèvent aux cieux
    Et me font oublier toute peine passée....

  • Je regrette en pleurant les jours mal employez
    A suivre une beauté passagere et muable,
    Sans m'eslever au ciel et laisser memorable
    Maint haut et digne exemple aux esprits devoyez.

    Toi qui dans ton pur sang nos mesfaits as noyez,
    Juge doux, benin pere et sauveur pitoyable,
    Las ! releve, ô Seigneur ! un pecheur miserable,
    Par qui ces vrais soupirs...

  • Cette fontaine est froide, et son eau doux-coulante,
    A la couleur d'argent, semble parler d'Amour ;
    Un herbage mollet reverdit tout autour,
    Et les aunes font ombre à la chaleur brûlante.

    Le fueillage obeyt à Zephyr qui l'évante,
    Souspirant, amoureux, en ce plaisant séjour ;
    Le soleil clair de flame est au milieu du jour,
    Et la terre se fend de l'...

  • Un ivoire vivant, une neige animée,
    Fait que mon oeil ravi ne s'en peut retirer.
    Ô main victorieuse, apprise à bien tirer,
    Que tu m'as de beaux traits la poitrine entamée !

    Aux célestes beautés mon âme accoutumée
    Ne trouve objet que toi qui la puisse attirer,
    Et croit qu'elle te peut sans offense adorer,
    Tant elle est de ta glace à toute heure...

  • J'ai longtemps voyagé, courant toujours fortune
    Sur une mer de pleurs, à l'abandon des flots
    De mille ardents soupirs et de mille sanglots,
    Demeurant quinze mois sans voir soleil ni lune.

    Je réclamais en vain la faveur de Neptune
    Et des astres jumeaux, sourds à tous mes propos,
    Car les vents dépités, combattant sans repos,
    Avaient juré ma mort...

  • Ceux qui liront ces vers qu'en pleurant j'ay chantez,
    Non pour gloire ou plaisir, ains forcé du martire,
    Voyans par quels destroits Amour m'a sçeu conduire,
    Sages à mes dépens, fuiront ses cruautez.

    Quels esprits malheureux, nuict et jour tourmentez,
    Souffrent un mal si grand que le mien ne soit pire ?
    Il ne se peut penser, comment le veux-je dire,
    Ou...

  • Solitaire et pensif, dans un bois écarté,
    Bien loin du populaire et de la tourbe épaisse,
    Je veux bâtir un temple à ma fière déesse,
    Pour apprendre mes voeux à sa divinité.

    Là, de jour et de nuit, par moi sera chanté
    Le pouvoir de ses yeux, sa gloire et sa hautesse,
    Et, dévot, son beau nom j'invoquerai sans cesse,
    Quand je serai pressé de quelque...