• Que suis-je, hélas ! et de quoi sert ma vie ?
    Je ne suis fors qu'un corps privé de coeur,
    Une ombre vaine, un objet de malheur,
    Qui n'a plus rien que de mourir envie.

    Plus ne portez, ô ennemis, d'envie
    A qui n'a plus l'esprit à la grandeur,
    Ja consommé d'excessive douleur.
    Votre ire en bref se verra assouvie.

    Et vous, amis, qui m'avez...

  • Toi qui veux femme choisir,
    A plaisir,
    Si ta belle te demeure,
    Des amis de ses beaux yeux
    Curieux,
    Te viendront voir à toute heure.

    Si tu mets en ta maison,
    Sans raison,
    La laide et mal gracieuse,
    Elle qui rechignera,
    Te sera
    Toute sa vie ennuyeuse.

    Si de force dépourvu,
    Tu as eu
    La femme jeune et...

  • Levez-vous, Soleil de mon âme,
    Votre clarté plus ne me luit ;
    Chassez mon froid par votre flamme,
    Par vos rais l'ombre de ma nuit.

    L'autre soleil est par trop sombre
    Et trop peu chauds sont ses rayons
    Pour de mon âme chasser l'ombre
    Et faire fondre ses glaçons.

    Mon Soleil, ne tardez plus guère
    D'éclairer à votre retour ;
    ...

  • Voici le jour, voici l'heure venue
    Que tu promis me donner un baiser.
    Çà je le veux, me veux-tu refuser
    Ce qui est mien par raison trop connue ?

    Dea qu'est ceci ? hé quelle épaisse nue
    Sille tes yeux et se vient opposer
    A ta raison, l'empêchant d'aviser
    Que ce qu'on dit doit être de tenue ?

    Me le baillant, tu feras ton devoir,
    Çà...

  • Ô somme doux, somme ami de nature,
    Heur des mortels qui les maux adoucis,
    Somme bénin qui charmes les soucis,
    Ô commun bien de chaque créature,

    Si tu me veux de pareille aventure
    Que cette nuit, dessus mon lit assis,
    Me faire voir le front et les sourcis
    De ma maîtresse en songeuse peinture,

    Si tu la fais me baiser derechef,
    De...

  • Un jeune Icare englouti dans la mer
    Un chaud soleil sentit à son dommage,
    Moi j'en sens deux à qui je fais hommage,
    Dans l'air d'amour voulant trop haut ramer.

    Fol est celui qui veut trop haut aimer :
    En haute mer plus cruel est l'orage.
    On doit partout modérer son courage,
    Aux hauts désirs la porte il faut fermer.

    D'aspirer haut, quand...

  • Je ne sais à quoi vous pensez
    De porter si riche coiffure
    Dessus vos cheveux agencés
    Par art, par ordre et par figure ;

    Rien ne vous sert aucunement
    De porter au bout de l'oreille
    Un si riche et gros diamant,
    Qui est de valeur non pareille.

    De quoi sert qu'un riche collet
    Si mignardement se replisse
    Autour de votre col de...

  • Ô jour heureux, heure, temps, et moment,
    Auquel ma dame a d'une foi jurée
    Promis secours à mon âme enferrée
    Dans la prison de l'amoureux tourment !

    Moi trop heureux, et trop heureux amant
    D'avoir enfin ma liesse assurée
    Par celle-là qui naguère acérée
    Me meurtrissait si misérablement.

    Mais, ah ! hélas ! je bâtis sur du sable,
    Je m...

  • Je voudrais être ainsi comme un Penthée,
    Nouveau toureau pour me voir déchiré
    De la dent croche et de l'ongle acérée
    D'une panthère à la peau tachetée.

    Je voudrais voir Diane une nuitée
    Baigner à nu, pour être dévoré
    Comme Actéon ; le trépas assuré
    Aurait bientôt ma douteur limitée.

    Non, non, pourtant je ne voudrais meugler,
    Mais...

  • Noire poison, tu ne fais demeurance
    Au vase clos qui te puisse étouffer,
    Tu viens chez moi, fausse fille d'Enfer
    Et de la Nuit, soeur du somme, Espérance.

    Tu me repais de la vaine apparence
    D'un bien futur, tu aiguises le fer
    Qui vient m'occire, tu sais seule étoffer
    De fausse ardeur chose puante et rance.

    Seule c'est toi qui files le...