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    Hélas ! pourquoi si tard t’ai-je donc rencontrée,
    Rose de mon automne, ô mignonne adorée ?
    Pourquoi, pourquoi si tard ?... Je songe bien souvent
    Que jadis, moi, jeune homme, et toi, petite enfant,
    Nous étions des voisins, et que, sans nous connaître,
    Moi, mûr trop tôt, et toi, venant presque de naître,
    Nous habitions tous deux dans ce coin de Paris...

  •  
    Dans la paisible rue où je passe souvent,
    Un jour d’hiver, devant la porte d’un couvent,
    Je vis avec fracas, s’arrêter des carrosses.
    Tous les chevaux portaient, ainsi que pour des noces,
    Une rose à l’oreille ; et les laquais, poudrés
    Et superbes, tout droits sur leurs mollets cambrés,
    Se tenaient à côté des portières ouvertes,
    D’où sortaient,...

  • Bonjour, lecteurs. On me propose
    Et j’accepte, – oh ! les étourdis !
    De vous parler tous les lundis
    Et même pas toujours en prose.

    La causerie est cependant
    Chose insaisissable et légère
    Ainsi que l’ombre passagère
    D’un nuage sur un étang.

    Causer en vers, c’est l’art suprême ;
    Et, pour m’apprendre mon état,
    Il faudrait qu’on...

  •  
    Comme les prêtres catholiques,
    Sous les rideaux de pourpre, autour
    De la châsse où sont les reliques,

    Brillent, dans leur mystique amour,
    Les longs cierges aux flammes pures,
    Fauves la nuit, pâles le jour,

    Qui jettent des lueurs obscures
    Sur les bijoux tristes et noirs
    Perdus dans l’or des ciselures ;

     

    Et de même que,...

  • À Paul Dalloz.

    I

    Lecteur, à toi ces vers, graves historiens.
    De ce que la plupart appelleraient des riens.
    Spectateur indulgent qui vis ainsi qu’on rêve,
    Qui laisses s’écouler le temps et trouves brève
    Cette succession de printemps et d’hivers,
    Lecteur mélancolique et doux, à toi ces vers !

    Ce sont des souvenirs, des...

  • J’ai fait ce rêve. J’étais mort.
    Une voix dit : — Ton âme impie,
    En un très-misérable fort,
    Va revivre afin qu’elle expie.
     
    Dans le bois qu’octobre jaunit
    Et que le vent du nord flagelle,
    Deviens le passereau sans nid.
    — Merci. Je vais voler vers elle.

     
    — Non ! sois plutôt l’arbre isolé
    Et, dans l’ouragan qui s’irrite,...

  •  
    Pour aimer une fois encor, mais une seule,
                    Je veux, libertin repentant,
    La vierge qui, rêveuse aux genoux d’une aïeule,
                    Sans m’avoir jamais vu m’attend.

    Elle est pieuse et sage, elle dit ses prières
                    Tous les soirs et tous les matins,
    Et ne livre jamais aux doigts des chambrières
                    ...

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    Le Fils du Ciel laboure une fois dans l’année.

    Pour remplir ce devoir, à la date ordonnée,
    Un jour, Kang-Hi, le sage empereur, se courbait
    Sur un soc attelé de bœufs blancs du Thibet.
    Sans voir la foule immense et de loin accourue,
    L’illustre Taï-Tsing conduisait sa charrue
    Et regardait, rêveur et se parlant tout bas,
    Le sol gras et fécond s’...

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    Viens ! Je t’aime ! Rentrons. La promenade est faite.
    La claire nuit de juin vient d’allumer ses feux ;
    Le clocher du gros bourg, où nous logeons tous deux,
    Se rapproche, et la lune en argente le faîte.

    Regagnons lentement l’auberge, où l’on apprête
    La chambre et le grand lit aux draps frais. Je te veux !
    Et, pour qu’en cheminant je baise tes...

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    Ma chère, tu cueillais, en riant aux échos,
    Des gerbes de bleuets et de coquelicots.
    O journée en plein air, adorable et trop brève !...
    Et, dans le large lit d’auberge où j’ai dormi
    En sentant, prés du mien, battre ton cœur ami,
    Pendant toute la nuit, j’ai vu des fleurs en rêve.