•  
    À M. CH. SECRÉTAN.

    « J’ai dépassé le peuplier
    Que la brise humide et plaintive
    Incline, argenté et fait plier
    Sur les eaux calmes de la rive.

    » J’ai surmonté le vert coteau,
    La source et les moelleux ombrages
    Dont la tourelle du château
    Voile ses antiques vitrages.

    » J’ai dépassé ce roc plus fier,
    Où la...

  •  

    L’azur est scintillant

    De grands nuages blancs
    Qui vont, viennent et passent ;
    Comme des balles dans l’espace
    Le tablier mouvant des blés
    Projette

    Jusques au ciel les alouettes.

    Elles fusent et jaillissent si haut

    Vers la lumière et ses...

  •  
    I

    Un esprit gardien de toute pureté
    Habite les glaciers et la neige éternelle.
    L'air qu'on respire autour de ce faite argenté
    Rajeunit l'âme et jette une lumière en elle.

    O vierge ! cette nuit, dans son fluide azur,
    Semble exprès pour mes yeux dissiper tous tes voiles ;
    J'adore en sa blancheur ton front chargé d'étoiles.
    En toi, jusqu'à...

  •  
    Il gît au fond de quelque armoire,
    Ce vieil alphabet tout jauni,
    Ma première leçon d’histoire,
    Mon premier pas vers l’infini.

    Toute la genèse y figure ;
    Le lion, l’ours et l’éléphant ;
    Du monde la grandeur obscure
    Y troublait mon âme d’enfant.

    Sur chaque bête un mot énorme
    Et d’un sens toujours inconnu,
    Posait l’énigme de sa...

  • La pluie fit tôt son entrée ce soir,
    Et bientôt s'éveilla le vent bougon,
    Qui de dépit déchira la cime des ormes,
    Et fit de son mieux pour courroucer le lac.
    J'écoutais, le cœur prêt à se rompre,

    La furtive Porphyria qui entrait ; aussitôt
    Elle referma la porte sur le froid et la tempête,
    Et s'agenouilla ; le foyer sans joie s'embrasa
    Et la...

  • Vous craignez le Désir, ô compagnons d’Ulysse.
    Aveugles et muets, l’âme close au péril
    De la voix qui ruisselle et du rire subtil,
    Vous rêvez des foyers qui recueillent l’exil
    Aux pieds lassés. Moi seul, ô compagnons d’Ulysse,
    Moi seul ai dédaigné la fraude et l’artifice,
    Moi seul ose l’Amour et le divin Péril.

    Dénouant leurs cheveux fluides, les...

  • À seize ans, pauvre et timide
    Devant les plus frais appas,
    Le cœur battant, l’œil humide,
    Je voulais et n’osais pas,
    Et je priais, et sans cesse
    Je répétais dans mes vœux :
    « Jésus ! rien qu’une maîtresse,
    Rien qu’une maîtresse… ou deux ! »

    Lors une beauté, qui daigne
    M’agacer d’un air moqueur,
    Me dit : « Enfant, ton cœur saigne,...

  •  
    Elle était toute nue assise au clavecin ;
    Et tandis qu’au dehors hurlaient les vents farouches
    Et que Minuit sonnait comme un vague tocsin,
    Ses doigts cadavéreux voltigeaient sur les touches.

    Une pâle veilleuse éclairait tristement
    La chambre où se passait cette scène tragique,
    Et parfois j’entendais un sourd gémissement
    Se mêler aux accords...

  • La femme ? une enfant presque, et le mari ? plus vieux.
    Mais, tous deux, courts, et roux de chevelures, d’yeux,
    Présentant l’un de l’autre à peu près même image,
    S’appareillaient. L’amour les rendait du même âge.

    Ces charbonniers des bois, visage et mains noircis,
    S’adoraient, travaillant, marchant, debout, assis,
    Du regard, du sourire, échangeaient leur...

  •  
    Il était reclus au couvent, depuis l’enfance ;
    D’où venait-il ? Pourquoi ? Comment ? Il l’ignorait.
    Comme il était Fils du Péché, on le nommait
    Amarus. Il était grand, blême et pensif,
    L’œil rivé sur la terre, il semblait, sans répit,
    Poursuivre l’inconnu. La Lune, un soir, dorant
    Les noirs barreaux de sa cellule, il dit à Dieu :
    « Pour mon...