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    L’AVEUGLE

    L’aveugle a deviné que la Muse, ô pasteurs,
    Conserve encore ici deux jeunes serviteurs ;
    Démêlant de vos voix l’harmonieuse trame,
    Déjà dans votre accent j’ai lu toute votre âme.
    Vous êtes doux et fiers ; et, puisque vous chantez,
    Enfants, vous honorez les dieux et respectez
    Les vieillards qu’on méprise en ces jours de délire ;...

  • Hé ! bonjour, maître Robin.
    — Collègue, ouvrez-moi la porte ;
    C’est un contrat que j’apporte
    À parapher, ce matin.
    La cliente est fort gentille ;
    Vous savez que c’est la fille
    De monsieur André Bontemps ;
    Elle a bientôt dix-huit ans.
    Ah ! maître Lebègue,...

  • Cette pauvre raison, dont l'homme est si jaloux,
    N'est qu'un pâle flambeau qui jette autour de nous
           Une triste et faible lumière;
    Par delà, c'est la nuit. Le mortel téméraire
    Qui veut y pénétrer marche sans savoir où.
    Mais ne point profiter de ce bienfait suprême,
    Éteindre son esprit et s'aveugler soi-même,
           C'est un autre excès non moins...

  • Ils s’en reviennent de l’école,
    Un livre dans leur petit sac.
    — Au loin, on entend le ressac
    De la Creuse qui dégringole.

    L’aîné rapporte une bricole,
    De la chandelle et du tabac.
    Ils s’en reviennent de l’école,
    Un livre dans leur petit sac.

    Mais la nuit vient ; dans sa rigole
    La grenouille fait son coac,
    Et tous les deux, ayant le...

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    Eh bien ! jeunes rivaux, que la lutte commence ;
    Oui, chantez tour à tour.
    VIRGILE, Églog., trad. de Firmin Didot.

    La pièce suivante fait allusion aux Epîtres que se sont
    adressées MM. de Lamartine et Casimir Delavigne.

    J’aime à voir dans ces chants, nobles fils du génie,
    Qu’enfantait immortels l’aveugle d’Ionie,
    L’...

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    Les derniers visiteurs sortaient du cimetière.
    C’était à l’heure calme où le soleil s’endort :
    Avant de s’engloutir dans son lit de lumière,
    Il avait embrasé le ciel de Thermidor.

    Le saule que Musset réclama sur sa pierre
    Épanchait de verts pleurs au sein des rayons d’or,
    Et le chant d’un bouvreuil, ainsi qu’une prière
    Pour les ensevelis,...

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    La brise en soupirant caresse l’herbe haute.
    Tous les deux, bouche ouverte, ils marchent côte à côte,
    Dos voûté, cou fluet ;
    Près d’une haie en fleurs où l'ébène des mûres
    Luit dans le fouillis vert des mignonnes ramures,
    ...

  • De bons amis m'ont donné leurs suffrages
    Et m'ont élu président du Caveau ;
    Dans ce fauteuil — un trône exempt d'orages —
    Joyeusement je m'assieds de nouveau,
    Garantissant à tous l'indépendance,
    Le verre en main, je préside un repas...
    Ah ! monsieur Thiers, en fait de présidence,
    Avec vous, moi, je ne changerais pas !

    J'ai simplement un grelot...

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    Fuis la femme, crains la vipère,
    En tous lieux, en toute saison,
    Et prends garde à leur trahison,
    Même à l’heure où ton âme espère !

    Ces deux serpents-là font la paire :
    L’Amour est jumeau du Poison.
    Fuis la femme, crains la vipère,
    En tous lieux, en toute saison !

    Avec le soupçon pour compère,
    Avec la Mort pour horizon,
    ...

  • Deux siècles
    (xviie-xviiie...