• Ils défilent le long des corridors antiques,
    Tête basse, égrenant d'énormes chapelets ;
    Et le soir qui s'en vient, du sang de ses reflets
    Empourpre la splendeur des dalles monastiques.

    L'heure a versé déjà ses flammes extatiques
    Au fond de leurs grands coeurs où bouillent les secrets
    De leur dégoût humain, de leurs mornes regrets,
    Et du frisson...

  • Écoutez, écoutez, ô ma pauvre âme ! Il pleure
    Tout au loin dans la brume ! Une cloche ! Des sons
    Gémissent sous le noir des nocturnes frissons,
    Pendant qu'une tristesse immense nous effleure.

    À quoi songiez-vous donc ? à quoi pensiez-vous tant ?...
    Vous qui ne priez plus, ah ! serait-ce, pauvresse,
    Que vous compariez soudain votre détresse
    À la...

  • J'en ai le deuil, et vous la joie,
    J'en ai la guerre, et vous la paix,
    J'en cours, et vous allez en paix,
    J'en ai courroux qui vous resjoie.
    Vous en riez, et j'en larmoie,
    Vous en parlez, et je m'en tais ;
    J'en ai le deuil, et vous la joie,
    J'en ai la guerre, et vous la paix.

    vous vous baignez, et je me noie,
    Vous vous faites, je me...

  • Le cueur troublé, le sens perdu,
    Me suis trouvé sy esperdu
    Que je ne sçay que je faisoye,
    Mais si mal a mon fait visoye
    Qu'il m'a esté bien cher vendu.

    Sans coup ferir m'estoye rendu
    Comme simple malentendu,
    Car ce qu'on vouloir je disoye,
    Le cueur troublé, le sens perdu,
    Me suis trouvé sy esperdu.

    Mais depuis me suis...

  • C'est grand peine que de vivre,
    Et si ne veut-on mourir.

    Qui n'est de tous maux délivre,
    C'est grand peine que de vivre.

    Raison à la Mort nous livre,
    Rien ne nous peut secourir :
    C'est grand peine que de vivre,
    Et si ne veut-on mourir.

  • Lassé d'amours et des faits de Fortune,
    Tanné d'espoir et d'aimer trop fort une,
    Encloz d'ennui, maintenant je demeure,
    Car Desplaisir prend en moy sa demeure,
    De par Malheur qui tres fort me fortune.

    Dont je me treuve sans que joye nés une
    Soit en mon cueur secrete ne commune :
    Pour quoy je dis que je suis à ceste heure
    Lassé d'amours et des...

  • L'âme de moi, sous cette chair enclose,
    En nul vivant ores plus ne se fie :
    Car elle estime, honore et magnifie
    Le Seigneur Dieu par-dessus toute chose.

    Et mon esprit, pour la bonne assurance
    De voir la fin d'ennuyeuse tristesse,
    Se réjouit et fonde sa liesse
    En Dieu, mon bien et ma sûre espérance,

    Qui a daigné, par douceur amoureuse,...

  • A Hélias Boniface, d'Avignon.

    Voyant l'homme avaricieux,
    Tant misérable et soucieux,
    Veiller, courir et tracasser,
    Pour toujours du bien amasser
    Et jamais n'avoir le loisir
    De s'en donner à son plaisir,
    Sinon quand il n'a plus puissance
    D'en percevoir la jouissance,
    Il me souvient d'une alumelle,
    Laquelle, étant luisante et belle...

  • Loisir et liberté
    C'est bien son seul désir ;
    Ce serait un plaisir
    Pour traiter vérité.
    L'esprit inquiété
    Ne se fait que moisir ;
    Loisir et liberté,
    S'ils viennent cet été,
    Liberté et loisir,
    Ils la pourront saisir
    A perpétuité,
    Loisir et liberté.

  • Un jour de may, que l'aube retournee
    Rafraischissoit la claire matinee,
    Afin d'un peu recreer mes esprits,
    Au grand verger, tout le long du pourpris
    Me promenois par l'herbe fraische et drue,
    Là où je vis la rosee espandue.
    L'aube naissante avoit couleur vermeille
    Et vous estoit aux roses tant pareille
    Qu'eussiez douté si la belle prenoit
    ...