Cantique de la Vierge

L'âme de moi, sous cette chair enclose,
En nul vivant ores plus ne se fie :
Car elle estime, honore et magnifie
Le Seigneur Dieu par-dessus toute chose.

Et mon esprit, pour la bonne assurance
De voir la fin d'ennuyeuse tristesse,
Se réjouit et fonde sa liesse
En Dieu, mon bien et ma sûre espérance,

Qui a daigné, par douceur amoureuse,
Jeter les yeux sur son humble servante,
Dont à jamais, de toute âme vivante,
Dite serai la plus que bienheureuse.

Un très grand bien, de grâce incomparable,
M'a fait Celui qui a telle puissance
Que tout chacun lui rend obéissance
Pour son saint nom à toujours mémorable.

Et sa clémence et pitié paternelle,
Toujours montrée aux siens de race en race,
Qui sont craintifs devant sa sainte face,
Demeurera à jamais éternelle.

Il a haussé, par vaillante surprise,
Son puissant bras, tout orné de victoire,
Et, pour montrer sa souveraine gloire,
Des orgueilleux a rompu l'entreprise.

Ceux qui avaient l'autorité plénière,
Contraint les a de leurs sièges descendre,
Pour pleinement restituer et rendre
Aux plus petits la dignité première.

Aux affligés de famine et grevances,
Qui se paissaient de langueurs et détresses,
Il a donné les plus grandes richesses,
Et renvoyé les riches sans chevances*.

Étant records** de sa pitié louable,
Dont ses plus chers il reçoit et embrasse,
Nouvellement lui a plu faire grâce
A Israël, son servant variable,

En ensuivant la promesse assurée
Qu'il fit aux chefs de notre parentage,
A Abraham et à tout son lignage,
Lequel sera d'immortelle durée.

(*) profits
(**) se souvenant

Collection: 
1517

More from Poet

  • Au lecteur des 'Nouvelles récréations et joyeux devis'.

    Hommes pensifs, je ne vous donne à lire
    Ces miens devis, si vous ne contraignez
    Le front maintien de vos fronts rechignés ;
    Ici n'y a seulement que pour rire.

    Laissez à part votre chagrin, votre ire,
    Et...

  • A Claude Bectone, Dauphinoise.

    Si Amour n'était tant volage
    Ou qu'on le pût voir en tel âge
    Qu'il sût les labeurs estimer,
    On pourrait bien sans mal aimer.

    Si Amour avait connaissance
    De son invincible puissance,
    Laquelle il oit tant réclamer,
    On...

  • Les aveugles et violeurs
    Pour ôter aux gens leurs douleurs
    Chantent toujours belles chansons ;
    Et toutefois par chants et sons
    Ils ne peuvent chasser les leurs.

    Ce qu'ils chantent en leurs malheurs,
    Ils aiment mieux que les couleurs
    Ou moins qu'enfants...

  • Un jour de may, que l'aube retournee
    Rafraischissoit la claire matinee,
    Afin d'un peu recreer mes esprits,
    Au grand verger, tout le long du pourpris
    Me promenois par l'herbe fraische et drue,
    Là où je vis la rosee espandue.
    L'aube naissante avoit couleur...

  • Loisir et liberté
    C'est bien son seul désir ;
    Ce serait un plaisir
    Pour traiter vérité.
    L'esprit inquiété
    Ne se fait que moisir ;
    Loisir et liberté,
    S'ils viennent cet été,
    Liberté et loisir,
    Ils la pourront saisir
    A perpétuité,
    ...