• En expirant sur l'arbre affreux du Golgotha,
    De quel regret ton âme, ô Christ, fut-elle pleine ?
    Etait-ce de laisser Marie et Madeleine
    Et les autres, au roc où la Croix se planta ?

    Quand le funèbre choeur sous Toi se lamenta,
    Et que les clous crispaient tes mains ; quand, par la plaine,
    Ton âme eut dispersé la fleur de son haleine,
    Devançant ton essor...

  • Rien n'est plus doux aussi que de s'en revenir
    Comme après de longs ans d'absence,
    Que de s'en revenir
    Par le chemin du souvenir
    Fleuri de lys d'innocence
    Au jardin de l'Enfance.

    Au jardin clos, scellé, dans le jardin muet
    D'où s'enfuirent les gaîtés franches,
    Notre jardin muet,
    Et la danse du menuet
    Qu'autrefois menaient sous branches...

  • Toujours je garde en moi la tristesse profonde
    Qu'y grava l'amitié d'une adorable enfant,
    Pour qui la mort sonna le fatal olifant,
    Parce qu'elle était belle et gracieuse et blonde.

    Or, depuis je me sens muré contre le monde,
    Tel un prince du Nord que son Kremlin défend,
    Et, navré du regret dont je suis étouffant,
    L'Amour comme à sept ans ne verse plus...

  • Vous que j'aimai sous les grands houx,
    Aux soirs de bohème champêtre,
    Bergère, à la mode champêtre,
    De ces soirs vous souvenez-vous ?
    Vous étiez l'astre à ma fenêtre
    Et l'étoile d'or dans les houx.

    Aux soirs de bohème champêtre
    Vous que j'aimai sous les grands houx,
    Bergère, à la mode champêtre,
    Où donc maintenant êtes-vous ?
    - Vous êtes...

  • Et je retourne encor frileux, au jet des bruines,
    Par le délabrement du parc d'octobre. Au bout
    De l'allée où se voit ce grand Jésus debout,
    Se massent des soupçons de chapelle en ruines.

    Je refoule, parmi viornes, vipérines,
    Rêveur, le sol d'antan où gîte le hibou ;
    L'Érable sous le vent se tord comme un bambou.
    Et je sens se briser mon coeur...

  • Puisque Rusbrock m'enseigne
    A moi, dont le coeur saigne
    Sur tout ce qui se baigne
    Dans le malheur,
    A vous aimer, j'élève
    Ma pensée à ce rêve :
    De vous faire une grève
    Avec mon coeur.

    Là donc, oiseaux sauvages,
    Contre tous les ravages,
    Vous aurez vos rivages
    Et vos abris :
    Colombes, hirondelles,
    Entre mes mains fidèles,...

  • L'âme ne frémit plus chez ce vieil instrument ;
    Son couvercle baissé lui donne un aspect sombre ;
    Relégué du salon, il sommeille dans l'ombre
    Ce misanthrope aigri de son isolement.

    Je me souviens encor des nocturnes sans nombre
    Que me jouait ma mère, et je songe, en pleurant,
    À ces soirs d'autrefois - passés dans la pénombre,
    Quand Liszt se...

  • Je sais en une église un vitrail merveilleux
    Où quelque artiste illustre, inspiré des archanges,
    A peint d'une façon mystique, en robe à franges,
    Le front nimbé d'un astre, une Sainte aux yeux bleus.

    Le soir, l'esprit hanté de rêves nébuleux
    Et du céleste écho de récitals étranges,
    Je m'en viens la prier sous les lueurs oranges
    De la lune qui luit entre...

  • Et nos coeurs sont profonds et vides comme un gouffre,
    Ma chère, allons-nous-en, tu souffres et je souffre.

    Fuyons vers le castel de nos Idéals blancs,
    Oui, fuyons la Matière aux yeux ensorcelants.

    Aux plages de Thulé, vers l'île des Mensonges,
    Sur la nef des vingt ans fuyons comme des songes.

    Il est un pays d'or plein de lieds et d'oiseaux,...

  • J'eus ce rêve. Elle a vingt ans, je n'en ai pas moins ;
    Nous habiterons ces chers coins
    Qu'embaumeront ses soins.

    Ce sera là tout près, oui, rien qu'au bas du val ;
    Nous aurons triple carnaval :
    Maison, coq et cheval.

    Elle a les yeux de ciel, tout donc y sera bleu :
    Pignon, châssis, seuil, porte, heu !
    Dedans peut-être un peu.

    Elle...