• J'eus cette vision. Les siècles sans repos
    Avaient passé dans l'ombre, ainsi que des troupeaux
    Que le berger pensif ramène à leurs étables
    À l'heure où, pour calmer nos maux inévitables,
    Descend sur nous l'obscur silence de la nuit.
    Dans le brillant palais du roi Zeus, reconstruit
    Au sommet d'un Olympe idéal et céleste,
    Je vis les Dieux. Vainqueurs de...

  •  
    La terre est chaude encor de son passé divin.
    Les dieux vivent dans l’homme, ainsi que dans le vin
    L’ivresse couve, attend, palpite, songe et bout
    Avant de se dresser dans le buveur debout
    Qui sent monter en lui, de sa gorge à son front,
    Et d’un seul trait, sa flamme brusque et son feu prompt.
    Les dieux vivent en l’homme et sa chair est leur cendre....

  • J’ai feint que des Dieux m’aient parlé ;
    Celui-là ruisselant d’algues et d’eau,
    Cet autre lourd de grappes et de blé,
    Cet autre ailé,
    Farouche et beau
    En sa stature de chair nue,
    Et celui-ci toujours voilé,
    Cet autre encor
    Qui cueille, en chantant, la ciguë
    Et la pensée
    Et qui noue à son thyrse d’or
    Les deux serpents en caducée...

  • C’est dans un bois sinistre et formidable, au nord
    De la Gaule. Roidis par un suprême effort,
    Les chênes monstrueux supportent avec rage
    Les grands nuages noirs d’où va tomber l’orage ;
    Le matin frissonnant s’éveille, et la clarté
    De l’aube mord déjà le ciel ensanglanté.
    Tout est lugubre et pâle, et les feuilles froissées
    Gémissent, et, géants que de...

  • Battu des vents, fouetté des eaux, la face ouverte
    Par la foudre, voué par l’Église à l’Enfer,
    Le Men-Hir des Kimris, sur la lande déserte,
    Comme un géant vaincu, chancelle aux nuits d’hiver.

    Maudit aussi, tordu, mais la tête encor verte,
    Le chêne des Bretons, nouant ses bras de fer,
    De son baiser vaillant soutient l’idole inerte,
    Et se met en...

  •  
    Homme ! Je t’ai suivi longtemps, tu ne m’as pas
    Entendue, et l’écho qui seul double ton pas
    A fait que tu croyais marcher seul dans l’aurore ;
    Tu marcherais toujours sans m’avoir vue encore
    Peut-être, et toujours seul et me cherchant en vain,
    Peut-être, si, ce soir, debout sur ton chemin,
    Familière à ton songe et...

  • Or le Spectre dardait ses rigides prunelles
    Sur l’Homme de qui l’âme errait obscurément,
    Dans un propre désir des Choses éternelles,
    Et qui puisait la vie en son propre tourment.

    Et l’Homme dit : — Démon ! qui hantes mes ténèbres,
    Mes rêves, mes regrets, mes erreurs, mes remords,
    Ô Spectre, emporte-moi sur tes ailes funèbres,
    Hors de ce monde, loin...

  • Tout moderne, et voyant de nos modernes âmes,
    Des soirs vieux, malgré lui, hors du Vrai, sans paphos
    Où des déesses, il s'exile ! et, dans les gammes
    Des azurs et des ors, et le nu des paros,
    Mensonge et dieux il pleure, et Vous, ô pâles Ames !
    Vagueuses Vierges, aux plis longs des longs peplos ! ....

    ...Alors, vieux de mille ans, haut azur sous l'azur...

  • Dieux, que le songe fait de travaux ressentir !
    J'ai cru voir en dormant un jardin plein de roses,
    Qui n'étaient point si tôt apparemment écloses
    Que mon oeil les voyait en soucis convertir.

    J'ai cru voir deux soleils leurs rayons départir
    Sur ces mêmes soucis, y faisant mêmes choses,
    Car tous deux les faisaient dessécher au sortir,
    Et reverdir...

  • Mère des Dieux, brune chasse-lumière,
    Au moite sein, au carrouse tiré
    De noirs chevaux, qui du pôle éthéré
    Répands un Lèthe à la source sommière,

    Déesse Nuit, l'antique et la première,
    Que ton char brun de cent feux éclairés
    Tombe plus tôt dans le flot azuré,
    Brosse plus tôt ta course coutumière.

    Sur ton autel dressé comme aux hauts...