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    I

    Je me rappelle avoir autrefois en Bavière,
    A la porte d’un bourg que baigne une rivière,
    Rencontré sur ma route un chanteur ambulant
    Qui suivait l’eau d’un pas mélancolique et lent ;
    Il portait sur l’épaule une harpe ternie,
    Dont chacun de ses pas tirait une harmonie.
    Il était maigre et pâle ; il avait de grands yeux ;
    Ses cheveux sur...

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    Hourrah !
    Mes tempes ruissellent,
    Mes yeux étincellent.
    Mes jambes chancellent.

    Hourrah !
    L’ivresse s’augmente,
    La bière écumante
    Dans les brocs fermente.

    Hourrah !
    Près de moi tout roule,
    Et le vent enroule
    Le plafond qui croule.
    Hourrah ! hourrah ! hourrah !

    A boire ! à boire ! à...

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    La mer a ses flots et ses perles ;
    Le ciel a le soleil et Dieu ;
    Les forets leur mousse et leurs merles,
    Et mon ange a son grand œil bleu.

    Moi, rimeur, je n’ai qu’une harpe
    Pleine d’une vague langueur ;
    J’ai pour la suspendre une écharpe,
    Et je la porte sur le cœur.

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    Me tuer ? — J’aime mieux, en cachant mon ulcère,
    Au travers des humains que le destin lacère,
    Poursuivre mon chemin le scepticisme au cœur,
    Et jeter aux passants mon sourire moqueur.

    Le globe où pleure et rit la comédie humaine
    Vaut bien jusqu’à la fin, ma foi ! qu’on s’y promène ;
    Je ne quitterai pas ma place du balcon :
    Je veux boire mes...

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    Quand j’avais dix-huit ans je croyais que les grès
    Qu’un peuple jette aux rois cimentent le progrès ;
    Je croyais qu’il est beau, sur la place publique,
    De crier, l’arme au poing : Vive la République !
    J’aurais voulu mourir dans ma naïveté
    Pour la démocratie et pour la liberté ;
    Le peuple était pour moi ce champ encore en friche
    Où germe l’...

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    I

    Beaux vallons inconnus,
    Des bois onde bruyante
    Où l’ondine fuyante
    Baigne ses beaux pieds nus ;

    Dans les mousses cachées
    Comme un bonheur secret,
    Sources de la forêt
    Des amants recherchées ;

    O ravins murmurants,
    Près des montagnes blanches,
    Où l’on jette deux planches
    Pour franchir les torrents ;

    ...

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    I

    Oh ! si quelqu’un l’aimait ! — De son âme ulcérée
    Un baiser éteindrait la voix désespérée
    Et l’amer souvenir ;

    Oh ! si quelqu’un l’aimait ! — Ses lâches défaillances
    Reviendraient boire aux flots des divines croyances
    Que rien ne peut ternir ;

    Oh ! si quelqu’un l’aimait ! — Comme un vaste incendie
    Il voudrait que son nom sur la terre...

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    I

    Les pelouses des cieux où chantent les étoiles,
    Paisibles, s’endormaient aux genoux de la nuit,
    Le crépuscule humide épandait ses longs voiles
    Sur le front des forêts qui pleuraient leur ennui :
    J’étais au pied d’un mont et les rumeurs des villes
    M’apportaient les sanglots des discordes civiles ;
    Alors il s’éleva
    Au fond de ma poitrine...

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    Un jour un prince allemand
    Fit abattre un bois de chênes
    Qui couvrait, sombre et dormant,
    Quelques collines prochaines.

    Et des arbres qu’abattit
    L’ingrate et sourde cognée,
    On dit qu’alors il sortit
    Comme une voix éloignée :

    Prends garde, prince allemand ;
    Malgré ta nombreuse garde,
    Nous nous vengeons sûrement ;
    O...

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    Sous le vent de la nuit la mer tumultueuse
    S’agitait dans le lit que Dieu fit à ses flots ;
    Et de son sein troublé, sombre et majestueuse,
    Montait une hymne sourde où roulaient des sanglots.

    La vague bondissait vers la grève immobile,
    Reculait, s’abîmait et toujours renaissait,
    Et les cités au loin mêlaient leur voix débile
    A ces sourdes...