• Dans la serre vitrée où de rigides plantes,
    Filles d’une jeune île et d’un lointain soleil,
    Sous un ciel toujours gris, sommeillant sans réveil,
    Dressent leurs dards aigus et leurs floraisons lentes,

    Lui, tremblant, secoué par la fièvre et la toux,
    Tordant son triste corps sous des lambeaux de laine,
    Entre ses...

  • Hélas ! celle qui, jeune en la belle saison,
    Causa dans les blés verts une ardente querelle
    Et suivit le vainqueur ensanglanté pour elle,
    La compagne au bon cœur qui bâtit la maison

    Et nourrit les petits aux jours de la moisson,
    Vois : les chiens ont forcé sa retraite infidèle.
    C’est en vain qu’elle fuit dans l’...

  • C’était la nuit ardente et le retour du bal ;
    Vaincue et triomphante et chastement lascive,
    Elle disait d’un ton de bien-être : J’ai mal !…
    Les roses s’effeuillaient sur sa tête pensive
    Où murmurait encor l’âme des violons ;
    Son pied avait parfois un spasme mélodique.
    Le mouchoir de dentelle au bout de ses doigts longs
    Glissait ; et sur les bras du...

  • Le fleuve qui, libre et tranquille,
    Traîne ses marnes et ses eaux
    Au milieu des pâles roseaux,
    Presse en ses bras une longue île,

    Qui semble un navire échoué
    Par quelque héroïque aventure,
    Perdant sa forme et sa nature,
    Dormeur à l’oubli dévoué.

    Le cri rauque et le vol des grues
    Percent les...

  • Dans l'essaim nébuleux des constellations,
    Ô toi qui naquis la première,
    Ô nourrice des fleurs et des fruits, ô Lumière,
    Blanche mère des visions,

    Tu nous viens du soleil à travers les doux voiles
    Des vapeurs flottantes dans l'air :
    La vie alors s'anime et, sous ton frisson clair,
    Sourit, ô fille des étoiles !

    Salut ! car avant toi les...

  • On entend l'Océan heurter les promontoires ;
    De lunaires clartés blêmissent le ravin
    Où l'homme perdu, seul, épars, se cherche en vain ;
    Le vent du nord, sonnant dans les frondaisons noires,
    Sur les choses sans forme épand l'effroi divin.

    Paisibles habitants aux lentes destinées,
    Les grands sapins, pleins d'ombre et d'agrestes senteurs,
    De leurs...

  • Sous les branches de saule en la vase baignées
    Un peuple impur se tait, glacé dans sa torpeur,
    Tandis qu'on voit sur l'eau de grêles araignées
    Fuir vers les nymphéas que voile une vapeur.

    Mais, planant sur ce monde où la vie apaisée
    Dort d'un sommeil sans joie et presque sans réveil,
    Des êtres qui ne sont que lumière et rosée
    Seuls agitent leur...

  • A Étienne Charavay.

    Cette relique exhale un parfum d'élégie,
    Car la reine d'Écosse, aux lèvres de carmin,
    Qui récitait Ronsard et le missel romain,
    Y mit en la touchant un peu de sa magie.

    La reine blonde, avec sa fragile énergie,
    Signa MARIE au bas de ce vieux parchemin,
    Et le feuillet heureux a tiédi sous la main
    Que bleuissait un...

  • Dans la tiède forêt que baigne un jour vermeil,
    Le grand chêne noueux, le père de la race,
    Penche sur le coteau sa rugueuse cuirasse
    Et, solitaire aïeul, se réchauffe au soleil.

    Du fumier de ses fils étouffés sous son ombre,
    Robuste, il a nourri ses siècles florissants,
    Fait bouillonner la sève en ses membres puissants,
    Et respiré le ciel avec sa...

  • Aux vapeurs du matin, sous les fauves ramures
    Que le vent automnal emplit de longs murmures,
    Les rivaux, les deux cerfs luttent dans les halliers :
    Depuis l'heure du soir où leur fureur errante
    Les entraîna tous deux vers la biche odorante,
    Ils se frappent l'un l'autre à grands coups d'andouillers.

    Suants, fumants, en feu, quand vint l'aube incertaine,...