A la lumière

Dans l'essaim nébuleux des constellations,
Ô toi qui naquis la première,
Ô nourrice des fleurs et des fruits, ô Lumière,
Blanche mère des visions,

Tu nous viens du soleil à travers les doux voiles
Des vapeurs flottantes dans l'air :
La vie alors s'anime et, sous ton frisson clair,
Sourit, ô fille des étoiles !

Salut ! car avant toi les choses n'étaient pas.
Salut ! douce ; salut ! puissante.
Salut ! de mes regards conductrice innocente
Et conseillère de mes pas.

Par toi sont les couleurs et les formes divines,
Par toi, tout ce que nous aimons.
Tu fais briller la neige à la cime des monts,
Tu charmes le bord des ravines.

Tu fais sous le ciel bleu fleurir les colibris
Dans les parfums et la rosée ;
Et la grâce décente avec toi s'est posée
Sur les choses que tu chéris.

Le matin est joyeux de tes bonnes caresses ;
Tu donnes aux nuits la douceur,
Aux bois l'ombre mouvante et la molle épaisseur
Que cherchent les jeunes tendresses.

Par toi la mer profonde a de vivantes fleurs
Et de blonds nageurs que tu dores.
Au ciel humide encore et pur, tes météores
Prêtent l'éclat des sept couleurs.

Lumière, c'est par toi que les femmes sont belles
Sous ton vêtement glorieux ;
Et tes chères clartés, en passant par leurs yeux,
Versent des délices nouvelles.

Leurs oreilles te font un trône oriental
Où tu brilles dans une gemme,
Et partout où tu luis, tu restes, toi que j'aime,
Vierge comme en ton jour natal.

Sois ma force, ô Lumière ! et puissent mes pensées,
Belles et simples comme toi,
Dans la grâce et la paix, dérouler sous ta foi
Leurs formes toujours cadencées !

Donne à mes yeux heureux de voir longtemps encor,
En une volupté sereine,
La Beauté se dressant marcher comme une reine
Sous ta chaste couronne d'or.

Et, lorsque dans son sein la Nature des choses
Formera mes destins futurs,
Reviens baigner, reviens nourrir de tes flots purs
Mes nouvelles métamorphoses.

Collection: 
1884

More from Poet

  • Je sais la vanité de tout désir profane.
    A peine gardons-nous de tes amours défunts,
    Femme, ce que la fleur qui sur ton sein se fane
    Y laisse d'âme et de parfums.

    Ils n'ont, les plus beaux bras, que des chaînes d'argile,
    Indolentes autour du col le plus aimé ;...

  • Ô vous qui, dans la paix et la grâce fleuris,
    Animez et les champs et vos forêts natales,
    Enfants silencieux des races végétales,
    Beaux arbres, de rosée et de soleil nourris,

    La Volupté par qui toute race animée
    Est conçue et se dresse à la clarté du jour,
    La...

  • Cette outre en peau de chèvre, ô buveur, est gonflée
    De l'esprit éloquent des vignes que Théra,
    Se tordant sur les flots, noire, déchevelée
    Étendit au puissant soleil qui les dora.

    Théra ne s'orne plus de myrtes ni d'yeuses,
    Ni de la verte absinthe agréable aux...

  • Si la vierge vers toi jette sous les ramures
    Le rire par sa mère à ses lèvres appris ;
    Si, tiède dans son corps dont elle sait le prix,
    Le désir a gonflé ses formes demi-mûres ;

    Le soir, dans la forêt pleine de frais murmures,
    Si, méditant d'unir vos chairs et vos...

  • Il est, non loin des tièdes syrtes
    Où bleuit la mer en repos,
    Un bois d'orangers et de myrtes
    Dont n'approchent point les troupeaux.

    Là, sous l'ombre antique d'un arbre,
    Un satyre, ouvrage divin,
    Sourit dans sa gaine de marbre,
    Comme réjoui par le vin...