• Tes pas, enfants de mon silence,
    Saintement, lentement placés,
    Vers le lit de ma vigilance
    Procèdent muets et glacés.

    Personne pure, ombre divine,
    Qu’ils sont doux, tes pas retenus !
    Dieux !... tous les dons que je devine
    Viennent à moi sur ces pieds nus !

    Si, de tes lèvres avancées,
    Tu prépares pour l’apaiser,
    À...

  • Par la surprise saisie,
    Une bouche qui buvait
    Au sein de la Poésie
    En sépare son duvet :

    — Ô ma mère Intelligence,
    De qui la douceur coulait
    Quelle est cette négligence
    Qui laisse tarir son lait ?

    À peine sur ta poitrine,
    Accablé de blancs liens,
    Me berçait l’onde marine
    De ton cœur chargé de biens ;

    ...

  • Du soleil soutenant la puissante paresse
    Qui plane et s’abandonne à l’œil contemplateur,
    Regard !... Je bois le vin céleste, et je caresse
    Le grain mystéri-eux de l’extrême hauteur.

    Je porte au sein brûlant ma lucide tendresse,
    Je joue avec les feux de l’antique inventeur ;
    Mais le dieu par degrés qui se désintéresse
    Dans la pourpre...

  • La Pythie, exhalant la flamme
    De naseaux durcis par l’encens,
    Haletante, ivre, hurle !... l’âme
    Affreuse, et les flancs mugissants !
    Pâle, profondément mordue,
    Et la prunelle suspendue
    Au point le plus haut de l’horreur,
    Le regard qui manque à son masque
    S’arrache vivant à la vasque,
    À la fumée, à la fureur !

    Sur...

  • PENCHÉ contre un grand fleuve, infiniment mes rames
    M’arrachent à regret aux riants environs ;
    Âme aux pesantes mains, pleines des avirons,
    Il faut que le ciel cède au glas des lentes lames.

    Le cœur dur, l’œil distrait des beautés que je bats,
    Laissant autour de moi mûrir des cercles d’onde,
    Je veux à larges coups rompre l’illustre monde...

  • Ni vu ni connu
    Je suis le parfum
    Vivant et défunt
    Dans le vent venu !

    Ni vu ni connu
    Hasard ou génie ?
    À peine venu
    La tâche est finie !

    Ni lu ni compris ?
    Aux meilleurs esprits
    Que d’erreurs promises !

    Ni vu ni connu,
    Le temps d’un sein nu
    Entre deux chemises !

    Ni vu ni connu...

  • Un feu distinct m’habite, et je vois froidement
    La violente vie illuminée entière...
    Je ne puis plus aimer seulement qu’en dormant
    Ses actes gracieux mélangés de lumière.

    Mes jours viennent la nuit me rendre des regards,
    Après le premier temps de sommeil malheureux ;
    Quand le malheur lui-même est dans le noir épars
    Ils reviennent me...

  • Celles qui sont des fleurs légères sont venues,
    Figurines d’or et beautés toutes menues
    Où s’irise une faible lune... Les voici
    Mélodieuses fuir dans le bois éclairci.
    De mauves et d’iris et de nocturnes roses
    Sont les grâces de nuit sous leurs danses écloses.
    Que de parfums voilés dispensent leurs doigts d’or !
    Mais l’azur doux s’...

  • Si tu veux dénouer la forêt qui t’aère
    Heureuse, tu te fonds aux feuilles, si tu es
    Dans la fluide yole à jamais littéraire,
    Traînant quelques soleils ardemment situés

    Aux blancheurs de son flanc que la Seine caresse
    Émue, ou pressentant l’après-midi chanté,
    Selon que le grand bois trempe une longue tresse,
    Et mélange ta voile au...

  • J’ai, quelque jour, dans l’Océan,
    (mais je ne sais plus sous quels cieux),
    Jeté, comme offrande au néant,
    Tout un peu de vin précieux...

    Qui voulut ta perte, ô liqueur ?
    J’obéis peut-être au devin ?
    Peut-être au souci de mon cœur,
    Songeant au sang, versant le vin ?

    Sa transparence accoutumée
    Après une rose fumée
    ...