• Dans son jardin la sultane se baigne,
    Elle a quitté son dernier vêtement ;
    Et délivrés des morsures du peigne,
    Ses grands cheveux baisent son dos charmant.

    Par son vitrail le sultan la regarde,
    Et caressant sa barbe avec sa main,
    Il dit : « L’eunuque en sa tour fait la garde,
    Et nul, hors moi, ne la voit dans son bain.

    « — Moi, je la vois, lui...

  • À l’horizon monte une nue,
    Sculptant sa forme dans l’azur :
    On dirait une vierge nue
    Émergeant d’un lac au flot pur.

    Debout dans sa conque nacrée,
    Elle vogue sur le bleu clair,
    Comme une Aphrodite éthérée,
    Faite de l’écume de l’air.

    On voit onder en molles poses
    Son torse au contour incertain,
    Et l’aurore répand des roses
    Sur...

  • À MADAME RIMSKI KORSAKOW

    Est-ce un rêve ? Le harem s’ouvre,
    Bagdad se transporte à Paris,
    Un monde nouveau se découvre
    Et brille à mes regards surpris.

    Pardonnez mon luxe barbare,
    Bariolé d’argent et d’or ;
    J’ignorais tout, un maître avare
    M’enfouissait comme un trésor.

    À l’Orient mon élégance
    Laissant son antique...

  • Pour que je t’aime, ô mon poëte,
    Ne fais pas fuir par trop d’ardeur
    Mon amour, colombe inquiète,
    Au ciel rose de la pudeur.

    L’oiseau qui marche dans l’allée
    S’effraye et part au moindre bruit ;
    Ma passion est chose ailée
    Et s’envole quand on la suit.

    Muet comme l’Hermès de marbre,
    Sous la charmille pose-toi ;
    Tu verras bientôt de...

  • Depuis de si longs jours prisonnier, tu t’ennuies,
    Pauvre oiseau, de ne voir qu’intarissables pluies
    De filets gris rayant un ciel noir et brumeux,
    Que toits aigus baignés de nuages fumeux.
    Aux gémissements sourds du vent d’hiver qui passe
    Promenant la tourmente au milieu de l’espace,
    Tu n’oses plus chanter ; mais vienne le printemps
    Avec son soleil d...

  • Tous les jours, écartant les roseaux et les branches,
    Près du fleuve où j’habite un pêcheur vient s’asseoir
    — Car sous l’onde il a vu glisser des formes blanches —
    Et reste là, rêveur, du matin jusqu’au soir.

    L’air frémit, l’eau soupire et semble avoir une âme,
    Un œil bleu s’ouvre et brille au cœur des nénufars,
    Un poisson se transforme et prend un corps...

  • De la maison momie enterrée au Marais
    Où, du monde cloîtré, jadis je demeurais,
    L’on a pour perspective une muraille sombre
    Où des pignons voisins tombe, à grands angles, l’ombre.
    — À ses flancs dégradés par la pluie et les ans,
    Pousse dans les gravois l’ortie aux feux cuisants,
    Et sur ses pieds moisis, comme un tapis verdâtre,
    La mousse se déploie et...

  • Les papillons couleur de neige
    Volent par essaims sur la mer ;
    Beaux papillons blancs, quand pourrai-je
    Prendre le bleu chemin de l’air ?

    Savez-vous, ô belle des belles,
    Ma bayadère aux yeux de jais,
    S’ils me pouvaient prêter leurs ailes,
    Dites, savez-vous où j’irais ?

    Sans prendre un seul baiser aux roses,
    À travers vallons et forêts,...

  • Das drängt und stösst, das ruscht und klappert
    Das zischt und quirlt, das zieht und plappert!
    Das leuchtet, sprüht und stinkt und brennt!
    GOETHE, Faust.

    Dans la simplicité de mon cœur enfantin,
    L’œil fixé sur les cieux, j’enviais le destin
    De l’oiseau voyageur, du nuage qui passe
    Et fait tant de chemin, et dans ce large...

  • J’aime à vous voir en vos cadres ovales,
    Portraits jaunis des belles du vieux temps,
    Tenant en main des roses un peu pâles,
    Comme il convient à des fleurs de cent ans.

    Le vent d’hiver, en vous touchant la joue,
    A fait mourir vos œillets et vos lis,
    Vous n’avez plus que des mouches de boue
    Et sur les quais vous gisez tout salis.

    Il est passé le...