• J’étais monté plus haut que l’aigle et le nuage :
    Sous mes pieds s’étendait un vaste paysage,
    Cerclé d’un double azur par le ciel et la mer,
    Et les crânes pelés des montagnes géantes
    En foule jaillissaient des profondeurs béantes,
    Comme de blancs écueils sortant du gouffre amer.

    C’était un vaste amas d’éboulements énormes,
    Des rochers grimaçant dans...

  • C’est le soir, le couchant allumant ses fournaises
    Semble un fondeur penché qui ravive des braises ;
    Comme un bouclier d'or à la forge rougi,
    Par un brouillard sanglant le soleil élargi
    Plonge dans un amas de nuages étranges
    Qui font traîner sur l’eau la pourpre de leurs franges.
    Le rivage est désert ; — pour tout bruit l’on entend
    La respiration du...

  • Brune à la taille svelte, aux grands yeux noirs, brillants,
    À la lèvre rieuse, aux gestes sémillants,
    Blonde aux yeux bleus rêveurs, à la peau rose et blanche,
    La jeune fille plaît : ou réservée ou franche,
    Mélancolique ou gaie, il n’importe ; le don
    De charmer est le sien, autant par l’abandon
    Que par la retenue ; en Occident, Sylphide,
    En Orient,...

  • La petite Marie est morte,
    Et son cercueil est si peu long
    Qu’il tient sous le bras qui l’emporte
    Comme un étui de violon.

    Sur le tapis et sur la table
    Traîne l’héritage enfantin.
    Les bras ballants, l’air lamentable,
    Tout affaissé, gît le pantin.

    Et si la poupée est plus ferme,
    C’est la faute de son bâton ;
    Dans son œil une larme...

  •  

    De son destrier qui se cabre
    Il jette à bas le chevalier,
    Qu’il pousse à la danse macabre
    En retournant le sablier ;

    Avec un crâne joue aux quilles
    Aux tonnelles des cabarets ;
    Du boîteux casse les béquilles,
    Du coureur coupe les jarrets ;
     
    Pour modèle offrant son squelette,
    Pose en Vénus...

  • Celui que chaque soir votre parole élève,
              Qui pense avec vous de moitié ;
    Celui dont vous savez le plus intime rêve
              Et qui vit de votre amitié ;
    Celui que vous avez laissé voir dans votre âme
              Et s’approcher de votre cœur,
    Afin de lui montrer ce que Dieu dans la femme
              A mis d’amour et de bonheur,
    Quand il n...

  • Connaissez-vous la blanche tombe
    Où flotte avec un son plaintif
            L’ombre d’un if ?
    Sur l’if, une pâle colombe,
    Triste et seule, au soleil couchant,
            Chante son chant :

    Un air maladivement tendre,
    À la fois charmant et fatal,
            Qui vous fait mal,
    Et qu’on voudrait toujours entendre ;
    Un air, comme en soupire aux...

  •         Ma belle amie est morte :
            Je pleurerai toujours ;
            Sous la tombe elle emporte
            Mon âme et mes amours.
            Dans le ciel, sans m’attendre,
            Elle s’en retourna ;
            L’ange qui l’emmena
            Ne voulut pas me prendre.
            Que mon sort est amer !
    Ah ! sans amour, s’en aller sur la mer !

    ...
  • Dans le Generalife il est un laurier-rose,
    Gai comme la victoire, heureux comme l’amour.
    Un jet d’eau, son voisin, l’enrichit et l’arrose ;
    Une perle reluit dans chaque fleur éclose,
    Et le frais émail vert se rit des feux du jour.

    Il rougit dans l’azur comme une jeune fille ;
    Ses fleurs, qui semblent vivre, ont des teintes de chair.
    On dirait, à le...

  • Les poëtes chinois, épris des anciens rites,
    Ainsi que Li-Tai-Pé, quand il faisait des vers,
    Placent sur leur pupitre un pot de marguerites
    Dans leurs disques montrant l’or de leurs cœurs ouverts.

    La vue et le parfum de ces fleurs favorites,
    Mieux que les pêchers blancs et que les saules verts,
    Inspirent aux lettrés, dans les formes prescrites,
    Sur un...