•  
    Je ne célèbre pas aujourd’hui les grands cœurs
    Pour qui la foule chante et pour qui l’airain gronde.
    Je ne célèbre pas les orgueilleux vainqueurs
    Dont les drapeaux sanglants éblouissent le monde
    Et laissent derrière eux d’éternelles rancœurs.

    Non, je ne chante pas pour ceux que la victoire
    Accompagne partout dans son vol souverain.
    Non, je ne...

  • PROBLÈMES

    Et vous, phrases solennelles et séculaires,
    Et vous, problèmes noirs et sombres corollaires,
    Et vous, mots lourds qui défilez au pas,
    Le sens qui sous vos syllabes s’arrange
    Change,
    Alors que vous ne changez pas.

    Non, vous n’enfermez plus les modernes pensées
    Tant vous êtes usées,...

  • PROMENADES

    Je vis parmi les fleurs, les ruisseaux et les arbres.

    La ville ? elle est là-bas
    Avec ses millions de pas
    Et ses carrefours d’or, de basalte et de marbre ;
    La ville est loin des fleurs, des ruisseaux et des arbres.

    Dès qu’un peu de soleil m’y pousse ou m’y incite,
    Je fais visite,

    ...

  • Au long de promenoirs qui s’ouvrent sur la nuit
    — Balcons de fleurs, rampes de flammes —
    Des femmes en deuil de leur âme
    Entrecroisent leurs pas sans bruit.

    Au dehors,
    Une atmosphère éclatante et chimique
    Étend ses effluves sur l’or
    Myriadaire d’un décor panoramique.

    Des clous de gaz pointent des diamants
    Autour de...

  • Ce n’est pas un travail de nègre,
    Pour l’estomac, de faire maigre,
    De temps en temps. De plus, disons
    Qu’il le faut. De même qu’il urge
    Paraît-il, de prendre une purge,
    À chaque retour des saisons.

    Ainsi donc, ce jeûne est conforme
    À la santé comme à la norme.
    Outre — j’en appelle à Comus —
    Qu’avec les seuls mets qu’autorise
    Notre...

  • C’était un excellent ménage.
    Mariés depuis fort longtemps,
    Donc tous les deux d’un certain âge,
    Ils vivaient unis et contents.

    Quand, pour troubler son existence,
    Ce couple, plein de gravité,
    S’en fut — oh ! par inadvertance ! —
    Dans un dancing, prendre le thé.

    Inconséquence sans pareille,
    Car toute femme a, dans le cœur,
    Une...

  • Plains-moi, car je n’eus rien à donner à l’Amour,
    Ni fleurs de mon Été, ni fruits de mon Automne,
    Et la terre où naquit mon destin sans couronne
    N’a pas porté pour moi la rose ou l’épi lourd.

    Les Fileuses qui font nos heures et nos jours
    N’ont pas tissé non plus, pour que je la lui donne,
    La tunique fertile où, naïve Pomone,
    La vierge de ses seins...

  • Ce jour de l’an, un camarade
    Que je n’attendais du tout point,
    Vint me régaler d’une aubade,
    Et me dire à brûle-pourpoint :

    « — Qu’est-ce que tu fais cette année ? »
    Sur le même ton qu’il m’eût dit :
    Quel est l’emploi de ta journée ?
    Ah ! la canaille ! le bandit !

    Puis, réfléchissant qu’une année
    Est, hélas ! sans nulle merci,
    ...