• Nécropolis

    Sur la terre on est mal : sous la terre on est bien.
    (PETRUS BOREL)


    I

    Voici ce qu'un jeune squelette
    Me dit les bras croisés, debout, dans son linceul,
    Bien avant l'aube violette,
    Dans le grand cimetière où je passais tout seul :

    II

    Fils de la solitude, écoute !
    Si le Malheur, sbire cruel,
    ...

  • Et je m'étais fait une vie
    Si digne d'amour ou d'envie,
    Une vie à décourager
    Tout coeur qui lutte ou dissimule,
    Tout adversaire ou tout émule,
    Cerveau pensif ou coeur léger.

    Maintenant ma vie est en cendres.
    Ses trois merveilles les plus tendres
    Ont flambé comme plume au feu
    Et ma dernière destinée
    Était morte avant d'être née,...

  • À José Maria de Heredia.

    De ses quatre pieds purs faisant feu sur le sol,
    La Bête chimérique et blanche s'écartèle,
    Et son vierge poitrail qu'homme ni dieu n'attelle
    S'éploie en un vivace et mystérieux vol.

    Il monte, et la crinière éparse en auréole
    Du cheval décroissant fait un astre immortel
    Qui resplendit dans l'or du ciel nocturne, tel...

  • Plus pur que l'air nocturne où l'or bleu s'éblouit
    Plus pur que le désir suscité par les astres
    Un coeur de marbre qu'un lent souffle épanouit
    Éclôt d'une colonne où l'or des astres luit.
    Fleur ! ô les coeurs d'acanthe aux cous blancs des pilastres !

    Les souvenirs de l'être et du jour et du bruit
    Se perdent, vieux voiles oubliés par leur âme.
    Le...

  • Le premier me donna un collier, un collier de perles qui
    vaut une ville, avec les palais et les temples, et les trésors
    et les esclaves.

    Le second fit pour moi des vers. Il disait que mes cheveux
    sont noirs comme ceux de la nuit sur la mer et mes yeux
    bleus comme ceux du matin.

    Le troisième était si beau que sa mère ne l'embrassait pas
    sans...

  • Quod jam in amplexu partim audivit Ariadne.


    I

    " Ouvre sur moi tes yeux si tristes et si tendres,
    Miroirs de mon étoile, asiles éclairés,
    Tes yeux plus solennels de se voir adorés,
    Temples où le silence est le secret d'entendre.

    Quelle île nous conçut des strophes de la mer ?
    Onde où l'onde s'enroule à la houle d'une onde,
    Les...

  • La pluie fine a mouillé toutes choses, très doucement, et en
    silence. Il pleut encore un peu. Je vais sortir sous les arbres.
    Pieds nus, pour ne pas tacher mes chaussures.

    La pluie au printemps est délicieuse. Les branches chargées
    de fleurs mouillées ont un parfum qui m'étourdit. On voit briller
    au soleil la peau délicate des écorces.

    Hélas ! que...

  • Ne t'ébahis, Ronsard, la moitié de mon âme,
    Si de ton Du Bellay France ne lit plus rien,
    Et si avec l'air du ciel italien
    Il n'a humé l'ardeur qui l'Italie enflamme.

    Le saint rayon qui part des beaux yeux de ta dame
    Et la sainte faveur de ton prince et du mien,
    Cela, Ronsard, cela, cela mérite bien
    De t'échauffer le coeur d'une si vive flamme.
    ...

  • Il fait bon voir, Paschal, un conclave serré,
    Et l'une chambre à l'autre également voisine
    D'antichambre servir, de salle et de cuisine,
    En un petit recoin de dix pieds en carré :

    Il fait bon voir autour le palais emmuré,
    Et briguer là-dedans cette troupe divine,
    L'un par ambition, l'autre par bonne mine,
    Et par dépit de l'un être l'autre adoré :...

  • Tu ne me vois jamais, Pierre, que tu ne die
    Que j'étudie trop, que je fasse l'amour,
    Et que d'avoir toujours ces livres à l'entour
    Rend les yeux éblouis et la tête alourdie.

    Mais tu ne l'entends pas : car cette maladie
    Ne me vient du trop lire ou du trop long séjour,
    Ainsi de voir le bureau, qui se tient chacun jour :
    C'est, Pierre mon ami, le livre où...