Quand le soir est tombé dans la chambre quiète
Mélancoliquement, seul le lustre émiette
Son bruit d'incontenté dans le silence clos.
Lustre toujours vibrant comme un arbre d'échos,
Lustre aux calices fins en verre de Venise
Où la douleur de la poussière s'éternise,
Mais en gémissements qu'à peine on remarqua,
Grêles comme un chagrin lointain d'harmonica...
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Les glaces sont les mélancoliques gardiennes
Des visages et des choses qui s'y sont vus ;
Mirage obéissant sans jamais un refus !
Mais le soir leur revient en crises quotidiennes ;
C'est une maladie en elles que le soir ;
Comment se prolonger un peu, comment surseoir
Au mal de perdre en soi les couleurs et les lignes ?
C'est le mal d'un canal où s'... -
L'eau des anciens canaux est débile et mentale,
Si morne, parmi les villes mortes, aux quais
Parés d'arbres et de pignons en enfilade
Qui sont, dans cette eau pauvre, à peine décalqués,
Eau vieillie et sans force ; eau malingre et déprise
De tout élan pour se raidir contre la brise
Qui lui creuse trop de rides... Oh ! la triste eau
Qui va pleurer sous les... -
En province, dans la langueur matutinale
Tinte le carillon, tinte dans la douceur
De l'aube qui regarde avec des yeux de soeur,
Tinte le carillon, - et sa musique pâle
S'effeuille fleur à fleur sur les toits d'alentour,
Et sur les escaliers des pignons noirs s'effeuille
Comme un bouquet de sons mouillés que le vent cueille,
Musique du matin qui tombe de... -
Les pièces d'eau, songeant dans les parcs taciturnes,
Dans les grands parcs muets semés de boulingrins,
S'aigrissent ; et n'ont plus pour tromper leurs chagrins
Qu'un décalque de ciel avant les deuils nocturnes ;
Une fête galante en nuages mirés,
En nuages vêtus de satin soufre et rose
Qui s'avancent noués de rubans et parés
Pour quelque menuet ou... -
Douceur du soir ! Douceur de la chambre sans lampe !
Le crépuscule est doux comme une bonne mort
Et l'ombre lentement qui s'insinue et rampe
Se déroule en fumée au plafond. Tout s'endort.
Comme une bonne mort sourit le crépuscule
Et dans le miroir terne, en un geste d'adieu,
Il semble doucement que soi-même on recule,
Qu'on s'en aille plus pâle et... -
Les dimanches : tant de tristesse et tant de cloches !
Volets fermés, outils au repos, piano
Grêlement tapoté par des doigts sans anneau,
Des doigts de vierges dont les coeurs sont sans reproches.
Solitude où quelques passants ; vêpres qui geint ;
Couleur de demi-deuil planant sur les dimanches,
Avec de la fumée en lentes vapeurs blanches
Et du triste... -
En des quartiers déserts de couvents et d'hospices,
Des quartiers d'exemplaire et stricte piété,
Je sais des murs en deuil vieillis sous les auspices
D'un calvaire où s'étale un christ ensanglanté :
Plantée en ses cheveux, la couronne d'épines
Forme un buisson de clous, -le corps est en ruines,
Livide, comme si la lance, l'éraflant,
Avait jauni de fiel... -
Dimanche : un pâle ennui d'âme, un désoeuvrement
De doigts inoccupés tapotant sourdement
Les vitres, comme pour savoir leur peine occulte ;
- Ah ! Ce gémissement du verre qu'on ausculte ! -
Dimanche : l'air à soi-même dans la maison
D'un veuf qui ne veut pas aider sa guérison
Quand les bruits du dehors se ouatent de silence.
Dimanche : impression d'être... -
Le miroir est l'amour, l'âme-soeur de la chambre
Où tout d'elle : le lustre en fleur, les bahuts vieux,
La statuette au dos de bronze qui se cambre,
Se réfléchit en un hymen silencieux.
Car l'amour n'est-ce pas n'être plus seul et n'est-ce
Pas se doubler par un autre meilleur que soi ?
Or la chambre se double au fond du miroir coi
Avec un renouveau de...