En des quartiers déserts de couvents et d'hospices,
Des quartiers d'exemplaire et stricte piété,
Je sais des murs en deuil vieillis sous les auspices
D'un calvaire où s'étale un christ ensanglanté :
Plantée en ses cheveux, la couronne d'épines
Forme un buisson de clous, -le corps est en ruines,
Livide, comme si la lance, l'éraflant,
Avait jauni de fiel sa chair inoculée ;
Les yeux sont de l'eau morte ; et la plaie à son flanc
Est pareille au coeur noir d'une rose brûlée...
- Oeuvre barbare et sombre où le supplicié
Pend sur le bois noueux d'un gibet mal scié.
Or cette impression de calvaire subsiste
Lorsque le soir en longs crêpes tissés descend ;
Puisqu'on croit voir, au loin, dans le ciel qui s'attriste
Surgir la nuit où perle une sueur de sang,
Si bien que l'on dirait la nuit crucifiée !
Car les étoiles sont des clous de cruauté
Qui, s'enfonçant dans sa chair nue et défiée,
Lui font des trous et des blessures de clarté !
Ah ! Cette passion qui toujours recommence !
Ce ciel que l'ombre ceint d'épines chaque soir !
Et soudain, comme au coup d'une invisible lance,
La lune est une plaie ouverte à son flanc noir.