• Entrez, mes souvenirs, ouvrez ma solitude !
    Le monde m'a troublée ; elle aussi me fait peur.
    Que d'orages encore et que d'inquiétude
    Avant que son silence assoupisse mon coeur !

    Je suis comme l'enfant qui cherche après sa mère,
    Qui crie, et qui s'arrête effrayé de sa voix.
    J'ai de plus que l'enfant une mémoire amère :
    Dans son premier chagrin, lui, n'a...

  • Sequestré pour jamais et du monde et de moy
    Et plus qu'onc esclairci de la douce lumiere
    Dont l'Esprit donne-esprit par faveur singuliere
    Me descouvre, bening, les secrets de la foy,

    Que de divinitez en l'ame je conçoy,
    Voire tant s'elargit sa grandeur familiere
    Que le Ciel il m'octroye en jouissance entiere,
    Et fait que mon Dieu mesme en esprit...

  • .....................................
    Ô poète inquiet du monde, qui médites,
    Opposant un front ferme aux grands souffles salés,
    Souviens-toi que l'amour, docile au pas de l'heure,
    Ne descend pas deux fois dans la même demeure !
    Un soir tu reviendras, sentant qu'il se fait tard,
    Au toit natal, chargé d'une âme de vieillard.
    Tes yeux verront dans les...

  • Quand le flambeau du monde
    Quitte l'autre séjour,
    Et sort du sein de l'onde
    Pour rallumer le jour,
    Pressé de la douleur qui trouble mon repos,
    Devers lui je m'adresse, et lui tiens ce propos :

    Bel astre favorable
    Qui luis également,
    Aux humains secourable
    Fors qu'à moi seulement,
    Soleil qui fais tout voir, et qui vois tout aussi,...

  • Les Levantins en leur légende
    Disent qu'un certain Rat las des soins d'ici-bas,
    Dans un fromage de Hollande
    Se retira loin du tracas.
    La solitude était profonde,
    S'étendant partout à la ronde.
    Notre ermite nouveau subsistait là-dedans.
    Il fit tant de pieds et de dents
    Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage
    Le vivre et le couvert : que faut-...

  • Ronsard si tu as su par tout le monde épandre
    L'amitié, la douceur, les grâces, la fierté,
    Les faveurs, les ennuis, l'aise et la cruauté,
    Et les chastes amours de toi et ta Cassandre,

    Je ne veux à l'envi pour sa nièce, entreprendre
    D'en rechanter autant comme tu as chanté,
    Mais je veux comparer à beauté la beauté,
    Et mes feux à tes feux, et ma cendre...

  • Sonnet

    Avoir une maison commode, propre et belle,
    Un jardin tapissé d'espaliers odorans,
    Des fruits, d'excellent vin, peu de train, peu d'enfans,
    Posseder seul sans bruit une femme fidèle,

    N'avoir dettes, amour, ni procès, ni querelle,
    Ni de partage à faire avecque ses parens,
    Se contenter de peu, n'espérer rien des Grands,
    Régler tous...

  • Veux-tu savoir, Mondain, quel est mon être au monde ?
    Je ne suis rien qu'un mort qui, vif entre les morts,
    Meurs entre les vivants, sous les divers efforts
    Du contraste au combat où tout mon heur je fonde.

    De ces duels ma trêve à son salut redonde,
    De mes maux sourd mon bien et d'accordants discords
    Mon esprit m'entretient en paix avec mon corps,
    D'...

  • Ce Monde, comme on dit, est une cage à fous,
    Où la guerre, la paix, l'amour, la haine, l'ire,
    La liesse, l'ennui, le plaisir, le martyre
    Se suivent tour à tour et se jouent de nous.

    Ce Monde est un théâtre où nous nous jouons tous
    Sous habits déguisés à malfaire et médire.
    L'un commande en tyran, l'autre, humble, au joug soupire ;
    L'un est bas, l'...

  • Le monde est méchant, ma petite :
    Avec son sourire moqueur
    Il dit qu'à ton côté palpite
    Une montre en place de coeur.

    - Pourtant ton sein ému s'élève
    Et s'abaisse comme la mer,
    Aux bouillonnements de la sève
    Circulant sous ta jeune chair.

    Le monde est méchant, ma petite :
    Il dit que tes yeux vifs sont morts
    Et se meuvent dans leur...