Ô poète inquiet du monde

.....................................
Ô poète inquiet du monde, qui médites,
Opposant un front ferme aux grands souffles salés,
Souviens-toi que l'amour, docile au pas de l'heure,
Ne descend pas deux fois dans la même demeure !
Un soir tu reviendras, sentant qu'il se fait tard,
Au toit natal, chargé d'une âme de vieillard.
Tes yeux verront dans les miroirs rongés de rouille
Le sel de l'Océan qui te reste aux cheveux.
Ta main tremblante et lasse attisera les feux,
Signe du noir automne humide et sa dépouille ;
Et regardant, pensif, presque en pleurs, aboyer
La chimère de bronze accroupie au foyer,
Songeant à la maison jadis pleine de joie,
Au temps où tu courais encor dans les massifs,
A tes parents couchés aujourd'hui sous les ifs,
A ceux qui dans la vie ont pris la juste voie,
Devant un pauvre feu sans cesse rallumé
Tu connaîtras l'horreur de n'être pas aimé.

Collection: 
1890

More from Poet

Tu sommeilles ; je vois tes yeux sourire encor.
Ta gorge, ainsi deux beaux ramiers prennent l'essor,
Se soulève et s'abaisse au gré de ton haleine.
Tu t'abandonnes, lasse et nue et tout en fleur,
Et ta chair amoureuse est rose de chaleur.
Ta main droite sur toi se...

J'étais couché dans l'ombre au seuil de la forêt.
Un talus du chemin désert me séparait.
J'écoutais s'écouler près de moi, bruit débile,
Une source qui sort d'une voûte d'argile.
Par ce beau jour de juin brûlant et vaporeux
L'horizon retenait des nuages heureux....

Ce soir, sur le chemin sonore du coteau,
Nous menons en rêvant notre amour qui frissonne
D'une obscure tiédeur sous le même manteau.
Ô crépuscule amer de novembre ! L'automne
Est soucieux comme un aïeul qu'on va quitter ;
Son souffle large et fort sur la terre...

Saison fidèle aux coeurs qu'importune la joie,
Te voilà, chère Automne, encore de retour.
La feuille quitte l'arbre, éclatante, et tournoie
Dans les forêts à jour.

Les aboiements des chiens de chasse au loin déchirent
L'air inerte où l'on sent l'odeur des champs...

Qu'on ouvre la fenêtre au large, qu'on la laisse
Large ouverte à l'air bleu qui vient avant la nuit !
Je voudrais, ah ! marcher autour de moi sans bruit,
Entendre ce que dit l'automne à ma tristesse ;
Car voici la saison où la sève s'épuise.
C'est un des derniers...