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    J'eus un rêve : le mur des siècles m'apparut.

    C'était de la chair vive avec du granit brut,
    Une immobilité faite d'inquiétude,
    Un édifice ayant un bruit de multitude,
    Des trous noirs étoilés par de farouches yeux,
    Des évolutions de groupes monstrueux,
    De vastes bas-reliefs, des fresques colossales ;
    Parfois le mur s'ouvrait et laissait voir...

  • Quand j'ose voir Madame, Amour guerre me livre,
    Et se pique à bon droit que je vay follement
    Le cercher en son regne ; et alors justement
    Je souffre d'un mutin temeraire la peine.

    Or me tiens-je loing d'elle, et ta main inhumaine,
    Amour, ne chomme pas : mais si aucunement,
    Pitié logeoit en toy, tu devois vrayement
    T'ayant laissé le camp, me...

  • J'ay un Livre Thuscan, dont la tranche est garnie
    Richement d'or battu de l'une et l'autre part ;
    Le dessus reluit d'or ; et au dedans est l'art
    Du comte Balthasar, de la Contisanie.

    Où que je sois, ce livre est en ma compagnie.
    Aussi c'est un present de celle qui depart
    A tout ce qu'elle voit, à ce qui d'elle part,
    Quelque part, quelque ray de...

  • Lecteur paisible et bucolique,
    Sobre et naïf homme de bien,
    Jette ce livre saturnien,
    Orgiaque et mélancolique.

    Si tu n'as fait ta rhétorique
    Chez Satan, le rusé doyen,
    Jette ! tu n'y comprendrais rien,
    Ou tu me croirais hystérique.

    Mais si, sans se laisser charmer,
    Ton oeil sait plonger dans les gouffres,
    Lis-moi, pour...

  • Au pied d'un crucifix, une tête de mort,
    Ou de morte plutôt, lui déclare son sort,
    Y voyant, sur son front, ces paroles écrites,
    Qu'avec elle, lecteur, il faut que tu médites :
    " Dans les trous de mes yeux, et sur ce crâne ras,
    Vois comme je suis morte, et comme tu mourras.
    J'avais eu, comme toi, la chevelure blonde,
    Les brillants de mes yeux...

  • La voici donc recluse en cette grotte sombre,
    Comme les morts du siècle ensevelis dans l'ombre,
    N'y voyant rien du tout des yeux de son esprit,
    Que l'amour et la mort de son cher Jésus-Christ.
    Ils lui servent tous deux comme d'un double livre,
    Dont l'un la fait mourir, et l'autre la fait vivre ;
    Considérant toujours sur ce portrait divers
    Ou le beau de...

  • Dedens mon Livre de Pensee,
    J'ay trouvé escripvant mon cueur
    La vraye histoire de douleur,
    De larmes toute enluminee,
    En deffassant la tresamee
    Ymage de plaisant doulceur,
    Dedens mon Livre de Pensee.

    Helas ! ou l'a mon cueur trouvee ?
    Lez grossez gouttez de sueur
    Lui saillent, de peinne et labeur
    Qu'il y prent, et nuit et journee...

  • Il est de longs soupirs qui traversent les âges
    Pour apprendre l'amour aux âmes les plus sages.
    Ô sages ! De si loin que ces soupirs viendront,
    Leurs brûlantes douceurs un jour vous troubleront.

    Et s'il vous faut garder parmi vos solitudes
    Le calme qui préside aux sévères études,
    Ne risquez pas vos yeux sur les tendres éclairs
    De l'orage éternel enfermé...

  • Jadis plus d'un amant, aux jardins de Bourgueil,
    A gravé plus d'un nom dans l'écorce qu'il ouvre,
    Et plus d'un coeur, sous l'or des hauts plafonds du Louvre,
    A l'éclair d'un sourire a tressailli d'orgueil.

    Qu'importe ? Rien n'a dit leur ivresse ou leur deuil.
    Ils gisent tout entiers entre quatre ais de rouvre
    Et nul n'a disputé, sous l'herbe qui les couvre,...

  • L'univers, c'est un livre, et des yeux qui le lisent.

    Ceux qui sont dans la nuit ont raison quand ils disent :
    Rien n'existe ! Car c'est dans un rêve qu'ils sont.

    Rien n'existe que lui, le flamboiement profond,
    Et les âmes, les grains de lumière, les mythes,
    Les moi mystérieux, atomes sans limites,
    Qui vont vers le grand moi, leur centre et leur...