• Je ne pensais à rien, pas même à mon remords.
    Allongé dans mon lit, je savourais l’absence
    Des rêves que le jour contre mon impuissance
    Lâche, comme un cheval à qui l’on ôte un mors.

    Ils laissaient reposer, enfin ! ma plaie intime,
    Car le soleil, au fond des couchants violets,
    Avait en s’en allant tiré dans ses filets
    Tous ces vampires las de sucer...

  • Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
    Traversé çà et là par de brillants soleils ;
    Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
    Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

    Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
    Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
    Pour rassembler à neuf les terres inondées,
    Où l'eau creuse des trous...

  • Quand l'ennemi poursuit son adversaire
    Si vivement qu'il le blesse ou l'abat :
    Le vaincu lors pour son plus nécessaire
    Fuit çà et là et crie et se débat.
    Mais moi, navré par ce traître combat
    De tes doux yeux, quand moins de doute avois,
    Cèle mon mal ainsi, comme tu vois,
    Pour te montrer à l'oeil évidemment
    Que tel se tait et de langue et de voix...

  • L'ennemi se déguise en l'Ennui
    Et me dit : " A quoi bon, pauvre dupe ? "
    Moi je passe et me moque de lui.
    L'ennemi se déguise en la Chair
    Et me dit : " Bah, bah, vive une jupe ! "
    Moi j'écarte le conseil amer.

    L'ennemi se transforme en un Ange
    De lumière et dit : " Qu'est ton effort
    A côté des tributs de louange
    Et de Foi dus au Père céleste...

  • Sonnet

    Serf de Faveur, esclave d'Avarice,
    Tu n'eus jamais sur toi-même pouvoir,
    Et je me veux d'un tel maître pourvoir
    Que l'Esprit libre en plaisir se nourrisse.

    L'Air, la Fortune et l'humaine Police
    Ont en leurs mains ton malheureux avoir.
    Le Juge avare ici n'a rien à voir,
    Ni les trois Soeurs, ni du Temps la malice,

    Regarde...