• Je suivis dans le bois l’enfant aux cils soyeux.
    Non loin d’un petit lac dormant nous nous assîmes ;
    Tout se taisait dans l’herbe et sous les hautes cimes ;
    Nyssia regardait le lac silencieux,
    Moi, le fond de ses yeux.

    — « Sources claires des bois ! dit Nyssia ; fontaines,...

  • Des perles encor mouillent son bras blanc.
    Couchée en un lit de joncs verts & d’herbes,
    Le sein ombragé d’un rameau tremblant,
    Au bruissement des chênes superbes,
    Aux molles rumeurs des halliers épais,
    Non loin de la source elle rêve en paix.
    Tandis qu’au rebord des souples lianes,
    Sur son reflet nu se figent pâmés
    Les flots du bassin, lèvres...

  • Son nom ?… — Tu veux savoir s’il fut illustre ou non ?
    Eh bien ! je ne sais pas. Que peut te faire un nom ?
    Personne sur son front n’inscrit le nom qu’il porte.
    C’était un homme, avec un nom ; mais que t’importe ?
    — Sa race ? — Laissons là, crois-moi, tous ses aïeux.
    L’âme de bien des morts tressaillait dans ses yeux,
    Mais la sienne, à coup sûr, l’obsédait...

  • Un large ruban d’or illumine la cime
    Des coteaux dont la brume a noyé le versant.
    L’horizon se déchire, & le soleil descend
    Sous les nuages roux qui flottent dans l’abîme
    Comme un riche archipel sur une mer de sang.

    De confuses rumeurs s’éveillent par la plaine,
    Et dans son champ, debout aux rebords des sillons,
    Travailleur obstiné sous les...

  • Clorinde a des yeux clairs & froids comme l’acier,
    Qu’indignent les aveux, qu’allument les mains jointes.
    Elle habite l’orgueil comme un donjon princier ;
    Et son regard, pareil au fer d’un justicier,
    Sait plus loin dans les cœurs enfoncer mille pointes.

    Jane a les yeux profonds, obscurs comme les trous
    Que sur les hauts remparts braquent les coulevrines...

  • Quand Vénus au reflet d’opale
    Brillera de loin sur nos fronts,
    Quand viendra l’heure, nous irons,
    Comme au hasard, dans le soir pâle.

    Je marcherai dans les sillons,
    Tu t’en viendras par la prairie ;
    Moi, sous un vol impur qui crie,
    Toi, sous l’essaim des papillons.

    Tu suivras le sentier qui chante
    Au crépuscule doucement ;
    Je...

  • Seront-ils toujours là quand nous disparaîtrons ?
    Les voilà, roidissant leurs vénérables troncs
    Qui des vents boréens ont lassé les colères,
    Eux, les arbres, longs murs de héros séculaires
    Durcis aux noirs assauts des hivers meurtriers,
    Inexpugnable bloc d’immobiles guerriers
    Qui sous le choc prochain des rafales nocturnes
    Pour un instant se font tout...

  • J’étais un naufragé qui malgré lui surnage.
    Sur une mer de nacre errant comme deux sœurs,
    Deux îles m’ont offert leurs abris caresseurs ;
    En deux yeux verdoyants j’ai vu ma double image.

    Loin des vieux continents par l’angoisse habités,
    J’ai vécu tout un soir dans deux mouvantes îles ;
    Tout près des ports fleuris de deux chastes asiles,
    En deux...

  • Un frémissement fier passe à travers les bois !

    Sous la tiède clarté de la nuit pacifique
    Le vieux peuple debout, dont les chênes sont rois,
    Enfle son âme au vent de leur âme stoïque.

    Et le siècle, le jour, l’heure, l’instant, le mois,
    Unissent tout à coup dans un arome unique
    Mille aromes au loin répandus à la fois.

    Le peuple fraternel aux...

  • Bien des astres pareils aux foyers palpitants,
    Peut-être les plus beaux que chaque soir allume,
    Dardent un jeune éclat jusque dans notre brume,
    Qui sont des soleils morts, perdus depuis longtemps.

    Ceints des tourbillons nés de leurs flammes fécondes,
    Ils ont si loin de nous accompli leurs destins
    Que la lumière encor de ces globes éteints
    N’a pas...