• Douceur du soir ! Douceur de la chambre sans lampe !
    Le crépuscule est doux comme une bonne mort
    Et l'ombre lentement qui s'insinue et rampe
    Se déroule en fumée au plafond. Tout s'endort.

    Comme une bonne mort sourit le crépuscule
    Et dans le miroir terne, en un geste d'adieu,
    Il semble doucement que soi-même on recule,
    Qu'on s'en aille plus pâle et...

  • Les dimanches : tant de tristesse et tant de cloches !
    Volets fermés, outils au repos, piano
    Grêlement tapoté par des doigts sans anneau,
    Des doigts de vierges dont les coeurs sont sans reproches.

    Solitude où quelques passants ; vêpres qui geint ;
    Couleur de demi-deuil planant sur les dimanches,
    Avec de la fumée en lentes vapeurs blanches
    Et du triste...

  • En des quartiers déserts de couvents et d'hospices,
    Des quartiers d'exemplaire et stricte piété,
    Je sais des murs en deuil vieillis sous les auspices
    D'un calvaire où s'étale un christ ensanglanté :

    Plantée en ses cheveux, la couronne d'épines
    Forme un buisson de clous, -le corps est en ruines,
    Livide, comme si la lance, l'éraflant,
    Avait jauni de fiel...

  • Dimanche : un pâle ennui d'âme, un désoeuvrement
    De doigts inoccupés tapotant sourdement
    Les vitres, comme pour savoir leur peine occulte ;
    - Ah ! Ce gémissement du verre qu'on ausculte ! -

    Dimanche : l'air à soi-même dans la maison
    D'un veuf qui ne veut pas aider sa guérison
    Quand les bruits du dehors se ouatent de silence.
    Dimanche : impression d'être...

  • Le miroir est l'amour, l'âme-soeur de la chambre
    Où tout d'elle : le lustre en fleur, les bahuts vieux,
    La statuette au dos de bronze qui se cambre,
    Se réfléchit en un hymen silencieux.

    Car l'amour n'est-ce pas n'être plus seul et n'est-ce
    Pas se doubler par un autre meilleur que soi ?
    Or la chambre se double au fond du miroir coi
    Avec un renouveau de...

  • Les canaux somnolents entre les quais de pierre
    Songent, entre les quais rugueux, comme en exil,
    Sans paysage clair qui se renverse au fil
    De l'eau qui rêve, -ainsi s'isole une âme fière, -

    L'âme de l'eau captive entre les quais dormants
    Où le ciel se transpose en pensive nuance
    Dont la douceur à du silence se fiance.
    Quelques nuages seuls cheminent par...

  • Il est une heure exquise à l'approche des soirs,
    Quand le ciel est empli de processions roses
    Qui s'en vont effeuillant des âmes et des roses
    Et balançant dans l'air des parfums d'encensoirs.

    Alors tout s'avivant sous les lueurs décrues
    Du couchant dont s'éteint peu à peu la rougeur,
    Un charme se révèle aux yeux las du songeur :
    Le charme des vieux...

  • I

    Au loin, le béguinage avec ses clochers noirs,
    Avec son rouge enclos, ses toits d'ardoises bleues
    Reflétant tout le ciel comme de grands miroirs,
    S'étend dans la verdure et la paix des banlieues.

    Les pignons dentelés étagent leurs gradins
    Par où montent le Rêve aux lointains qui brunissent,
    Et des branches parfois, sur les murs des jardins...

  • L'aquarium est si bleuâtre, si lunaire ;
    Fenêtre d'infini, s'ouvrant sur quel jardin ?
    Miroir d'éternité dont le ciel est le tain.
    Jusqu'où s'approfondit cette eau visionnaire,
    Et jusqu'à quel recul va-t-elle prolongeant
    Son azur ventilé par des frissons d'argent ?
    C'est comme une atmosphère en fleur de serre chaude ...
    De temps en temps, dans le silence, l'...

  • Morne l'après-midi des dimanches, l'hiver,
    Dans l'assoupissement des villes de province,
    Où quelque girouette inconsolable grince
    Seule, au sommet des toits, comme un oiseau de fer !

    Il flotte dans le vent on ne sait quelle angoisse !
    De très rares passants s'en vont sur les trottoirs :
    Prêtres, femmes du peuple en grands capuchons noirs,
    Béguines...