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    Si j’étais un oiseau de mer
    À l’aile d’or, au bec de fer,
    Je volerais pendant l’orage,
    France, sur ton plus haut rivage,
    Pour voir au loin le flot verdir,
    Et ton roc de Corse blanchir,
    Là-bas, comme un vaisseau de guerre
    Qui lève l’ancre et quitte terre.
    Si j’étais la feuille des bois,
    Qui tous les mille ans, une fois,
    Se fane...

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    Ah ! Que la vague au loin est sombre !
    Que la nue épaissit son ombre !
    Quelle heure est-il ? Ah ! Dans mon cœur,
    Cieux, versez donc votre lueur.

    De mon chant j’ai perdu la trace,
    Et ma stance en ma nuit s’efface.
    Mon chant se tait, mon pas se perd ;
    Éclairez-moi dans mon désert.
    Quelle heure est-il ? Ah ! Sur la grève
    Une étoile...

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    Oui, les vivants sont sourds ; et leur langue inféconde
    Ne connaît rien qu’un nom dont ils lassent le monde.

    Mais l’écho d’Italie a mille et mille voix,
    Quand Ravenne et Zara murmurent à la fois,
    Quand la Brenta soupire au branle des gondoles,
    Quand la rive s’endort au chant des barcarolles.
    Alors le pèlerin s’arrête vers le soir,
    Et pense :...

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    Le pacha de Damas a rêvé de poignards,
    D’ataghans ciselés et d’assauts aux remparts.
    Ses femmes ont de pleurs mouillé son cimeterre,
    Et roulé sur son front son blanc turban de guerre ;
    Et déjà ses trois fils, descendus de sa tour,
    Ont porté cette lettre au bey de Damanhour :
    " Mon frère, allez seller vos cavales rapides,
    Venez les attacher au...

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    Du côté d’Embabeh la terre a fait silence !
    Le chacal a hurlé ; le dattier se balance
    Sur sa tige ridée. Au bord de l’Orient
    Les tombeaux ont parlé. Dans ses citernes vides,
    Le désert avait soif au pied des pyramides ;
    Et le désert a bu son outre de géant.

    L’Orient ! L’Orient ! Le monde des tempêtes,
    La terre aux vastes cieux, la terre des...

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    Et dans Rome le pape a vu son dais trembler,
    Son globe d’or, au loin, vers l’abîme rouler,
    Et le géant d’Arcole arrivé sur le faîte.
    Mais que fait au géant le pavois sur sa tête,
    Le monde sous ses pas, si toi-même, seigneur,
    Tu ne mets à son front son bandeau d’empereur ?
    Le pape s’est levé quand le monde s’incline.
    Pourquoi ne va-t-il pas...

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    La terre, en ce temps-là, se noyait dans le sang ;
    Comme dans une forge un marteau bondissant,
    Maint combat bondissait sur son ardente enclume,
    Et les cieux se cachaient sous leur manteau de brume.
    Iéna, Friedland, Eylau, comme des fossoyeurs,
    Sans se lasser creusaient des tombes d’empereurs.
    Ils entassaient les os des peuples dans la plaine,
    L...

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    Et dans Rome le pape a vu, jusqu’à son faîte,
    Comme au flanc du Liban, le cèdre du prophète,
    Sur son mont sourcilleux monter l’orgueil humain ;
    Et le monde adorait l’idole de sa main.
    Qui la condamnera vers son heure suprême,
    Si ta bouche, seigneur, ne lui dit : anathème !
    Et dans Rome le pape avec ses cardinaux
    Des bulles d’anathème a rompu...

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    Et vers la mer d’Azof où la vague hennit,
    Un faucon se réveille et glapit dans son nid.
    Puis après le faucon, un hetman en son gîte,
    S’éveille au jour et prend sa lance moscovite.
    Il prend aussi son sabre et son poignard luisant
    Et sa ceinture d’or ciselée à Casan.
    —Ma sœur, allez chercher par sa bride d’écume,
    Près de la mer d’Azof, où le don...

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    Ainsi qu’une noire fumée,
    Au flanc des monts, toute une armée
    S’est dissipée avant la nuit.
    Avant le jour, pâle et sans bruit,
    Un cavalier passe dans l’ombre.
    Ah ! Que sa lance est froide et sombre !
    Sur son chemin retentissant,
    Qu’elle a déjà pleuré de sang !

    —Ma bonne lance polonaise,
    Qui ce matin tressaillais d’aise,
    ...