Napoléon (Quinet) 33-36

 
Et vers la mer d’Azof où la vague hennit,
Un faucon se réveille et glapit dans son nid.
Puis après le faucon, un hetman en son gîte,
S’éveille au jour et prend sa lance moscovite.
Il prend aussi son sabre et son poignard luisant
Et sa ceinture d’or ciselée à Casan.
—Ma sœur, allez chercher par sa bride d’écume,
Près de la mer d’Azof, où le don gronde et fume,
Mon cheval aux flancs bruns, aux quatre pieds d’acier.
—Frère Ivan, dans la cour, ébranlant l’escalier,
Votre cheval hennit ; sa housse pend à terre.
Son frein n’est pas d’écume ; il ronge sa crinière.
Où voulez-vous aller ? à Casan ? à Tiflis ?
Sur les chemins pavés où passent les delhis ?
Ou visiter le khan dans sa tour de l’Ukraine ?
—Je vais dans le chemin où ma lance me mène.
Je vais dans le sentier où le vent de l’Oural
Souffle dans mes cheveux et fouette mon cheval.
Puis, comme dans les blés de noires sauterelles,
Ses frères l’ont suivi, tous penchés sur leurs selles !
Tous avec leur poignard, caché sous leur caftan ;
Lui seul porte à sa main un sabre de sultan.
Tous avec une lance aiguisée au Bosphore ;
La sienne est la plus belle et luit avant l’aurore.
Poitrail contre poitrail, naseaux contre naseaux,
Crinière sur crinière, ils pressent leurs chevaux ;
Rapides dans le jour ; et quand le jour s’efface,
Plus rapides la nuit, dans son sentier de glace.
Et quand la nuit finit, rapides au matin,
Plus rapides le soir, et puis le lendemain.
Hourrah ! Ils ont passé. Dans le mont et la plaine,
Ils chassent devant eux les autans de l’Ukraine.
Ils sèment sur leurs pas les frimas de l’Oural ;
Sur leur selle, en courant, ils traînent le mistral,
Comme un manteau d’hiver qu’ils roulent sur leur tête ;
Et comme leurs chevaux ils fouettent la tempête.
Hourrah ! Le sabre a froid dans sa prison de fer,
Et le poignard s’émousse au tranchant de l’hiver.
L’aiglonne a réchauffé son petit sous son aile.
Hourrah ! La lance a froid ; les morts ont froid comme elle.
Qui la réchauffera sous une aile d’airain ?
Tout le sang des vivants s’est figé dans leur sein.

Hourrah ! Ils ont passé Kief aux tours mogoles,
Moscou, Borodino, Smolensk aux cent coupoles.
Là-bas, sur le chemin, où l’ouragan les suit,
Qui sont ces voyageurs attardés dans la nuit ?
Que leur sommeil est long ! Et que leur couche est dure !
Ils portent tous au cœur une large blessure.
Est-ce un peuple égaré depuis l’éternité
Qui cherche après mille ans sa sauvage cité ?
Est-ce un reste d’empire assis sur la bruyère ?
Leurs chars sont pleins de morts, qui, penchés sur l’ornière,
S’entre-choquent dans l’ombre et font claquer leurs os ;
Et la Bérésina frissonne dans ses flots.

" Voyageurs, levez-vous ! Comme des sauterelles,
Voici des cavaliers, tous penchés sur leurs selles,
Tous avec un caftan, tous avec un poignard.
La route est longue encor, ne dormez pas si tard !
Comme un torrent glacé qui, dans son lit s’arrête ;
Que faites-vous ici, couchés dans la tempête ? "
Mais tout resta muet. Les canons sans hurler
Tout gorgés de frimas se mirent à trembler.
L’épée en son fourreau resta pâle et livide ;
Le sabre se fendit comme une argile aride ;
Et les vieux grenadiers, penchés sur leurs foyers,
Branlaient leur tête grise, au bord de leurs sentiers.
Et les pins blanchissants sous la neige durcie
Rêvaient du grand soleil des palmiers d’Arabie.
Mais tout resta muet. Avant qu’elle ait parlé
La langue s’est glacée. Avant qu’ils aient coulé
Les pleurs se sont taris. Dans sa cité sanglante
Tout un peuple de morts s’abrite en la tourmente.
Pâle, au déclin du jour sur le bord du chemin
La foule s’est assise ; et puis le lendemain,
Plus pâle, elle est restée ; et puis, le soir encore ;
Et puis, après le soir, plus pâle dans l’aurore ;
Et les sabres tout nus ont rongé leurs fourreaux ;
Et les vieux cavaliers ont rongé leurs chevaux.
Qui sont-ils ? Sans tombeaux, sans guides et sans maître,
Le front ceint de frimas, quel lieu les a vus naître ?
On dit qu’en d’autres temps, aux lieux où le soleil
Remplit de rayons d’or son urne de vermeil,
On les a vus passer au pied des pyramides,
Ainsi que le simoün, sur ses ailes rapides.
On dit que le désert se souvient de leur nom,
À l’endroit où le Nil se souille de limon,
Que leurs chevaux trempés dans les lacs d’Italie,
Ont séché leur crinière aux vents de la Nubie.
Mais ces jours sont passés, et leur ombre avec eux ;
Et leur ardent soleil s’est éteint dans les cieux.
Alors, les cavaliers à l’haleine glacée,
Que Dieu sur le chemin de sa vaste pensée
Poussait depuis l’Ukraine, ont de leurs froids manteaux
Secoué les frimas sur le front des héros ;
Et comme le géant qu’on trouve sur la plage,
Ils ont enseveli ce peuple en son ouvrage.

Et, la tombe a grandi, comme un mont, sous leurs mains ;
Comme un mont qui nourrit des pins dans ses ravins,
Des troupeaux sur sa cime, en ses flancs la tempête.
Toula peut voir sa base et Kalouga son faîte.
Dans son ombre, un vautour niche en toute saison,
Et la Bérésina blanchit à l’horizon.

 
Mais, là-bas, non plus loin, dans la neige et l’hiver,
Voilà qu’un grand lion, à la griffe de fer,
Un lion au front chauve, errant sans sa lionne,
Seul, loin de son palmier que la foudre sillonne,
Balayant, sans rugir, la terre sous ses pas,
Cherchait son grand désert et ne le trouvait pas.
Mais, là-bas, non plus loin, dans la plaine homicide,
Voilà qu’un empereur, sans couronne et sans guide,
Un empereur, sans nom, au front chauve et glacé,
Ayant perdu la trace où son char a passé,
Seul dans son grand désert, errait dans la nuit sombre,
Et cherchait son empire et ne trouvait qu’une ombre.
Son cheval sans hennir, et sans ronger le mors,
Comme font les coursiers que chevauchent les morts,
Haletant a passé mainte haute muraille,
Mainte vallée amère et maint champ de bataille ;
Et les peuples disaient : quel est ce cavalier
Qui passe comme une ombre en creusant son sentier ?
N’était-ce pas celui qui d’un signe de tête
Ébranlait notre toit, comme fait la tempête ?
Dont les peuples tenaient la selle et l’étrier
Sous sa botte courbés, ainsi qu’un écuyer ;
Qui poussait devant lui les rois dans la poussière
Comme un troupeau soumis au fouet de sa colère ?
N’était-ce pas celui dont l’épée au fourreau,
Toujours blême et glacée, a creusé maint tombeau ?
Qui, sur son char d’airain traînant sa renommée,
Passait au pied des tours avec sa grande armée,
Et comme les flocons de la neige en hiver,
Dans les champs entassait ses escadrons de fer ?
Mais lui resta muet ; et sous sa froide armure
Il cacha son front pâle et sa froide blessure ;
Et nul ne vit ses pleurs, s’il en versa jamais,
Hors son louche coursier, sous ses sanglants harnais.
Muet dans son orgueil, muet dans sa ruine,
Son cœur n’a pas battu plus vite en sa poitrine.
De tant de nations qui marchaient après lui,
Quand pas un messager ne lui reste aujourd’hui,
Ardent avant-coureur de son propre naufrage,
Lui-même de sa chute il porte le message ;
Et le monde, voyant cet homme sur son seuil,
Ne sait s’il faut sourire ou s’habiller de deuil.
Sourire ! Oh ! Non, grand dieu ! Car, sitôt que sa bouche
Aura dit son secret, mainte femme en sa couche
Gémira. Maint créneau tremblera sur sa tour.
Maint empire peuplé sera vide en un jour ;
Et loin du maître absent, mainte coupe remplie
Au fond ne gardera que poison et que lie ;
Car lui, sitôt qu’il eut, au seuil de ses états,
De ses pieds tout meurtris rejeté les frimas,
La garde qui veillait au bord de son royaume,
Voyant cet homme pâle, errant comme un fantôme,
Lui dit : que cherchez-vous ? Et quel est votre nom ?
Et l’empereur a dit : je suis Napoléon.

 
Un aigle s’est penché sur son nid, en secret.
Un aiglon y dormait, caché dans son duvet.
Un héros s’est penché sur le berceau d’un homme.
Un enfant y pleurait ; un roi ! Le roi de Rome !
Il rêvait d’un berceau plus beau cent fois encor,
D’un palais de rubis avec cent portes d’or,
De mille et mille rois, tous courbés jusqu’à terre,
Et d’un trône plus haut que celui de son père.
L’aiglon a dit à l’aigle, au sommet des coteaux :
" Donnez-moi ma pâture et le sang des agneaux.
Donnez-moi, dans mon nid, les petits des vipères,
Et la chair des brebis qui paissent les bruyères. "
L’enfant dit au héros : " Mon père, donnez-moi
Des sceptres d’empereur, et des manteaux de roi ;
Quand je serai plus grand, sous un dais qui rayonne,
Aurai-je comme vous une lourde couronne ?
Aurai-je comme vous, tout entière d’airain,
Une épée aussi grande et qui brille en ma main ?
Et si je fais un pas, les peuples de la terre
Cacheront-ils aussi leurs fronts dans la poussière ?
Aurai-je dans la mer, où la vague s’endort,
Une île toute bleue avec des sables d’or ?
Et le monde à vos pieds qui pleure et qui soupire
Sera-t-il assez grand pour me faire un empire ? "
Et le héros disait, en se parlant tout bas :
" Oui, mon fils, prenons garde, en ces sanglants débats,
Que tout votre royaume, avec l’or de son île
Et sa luisante écume, et son palais d’argile,
Avant la fin du jour ne tienne en mon tombeau. "
Cependant, il a pris l’enfant dans le berceau,
Tout pâle d’épouvante, il a sur son armure,
Déroulé de son fils la blonde chevelure.
Puis, l’emportant au loin, aveuglé par les pleurs,
Dans sa main il froissait la couronne de fleurs
Au front du roi de Rome ; et, le montrant au monde,
Souriant, il disait à la foule qui gronde :
" Gardez bien mon enfant autour de son berceau,
Comme fait un lion près de son lionceau.
Quand je ne serai plus, il aura ma couronne,
Mon empire, et mon glaive et mon dais qui rayonne.
—sire, il est notre roi ; nous veillerons sur lui ;
À votre grand combat retournez aujourd’hui.
Comme l’aiglon à l’aigle, il ressemble à son père.
Il a son pâle front et sa fauve paupière.

Comment nourrirons-nous l’enfant de vos sueurs ?
Que faut-il lui donner pour apaiser ses pleurs ?
—Les petits des vautours dans les champs homicides,
Et la chair des lions aux pieds des pyramides.
—Comment vêtirons-nous cet enfant d’un héros ?
Du lin de la moisson ? Des toisons des troupeaux ?
—Non pas de vos toisons, ni du lin des quenouilles,
Mais du lin des combats trouvé dans leurs dépouilles.
—De quoi remplirons-nous sa coupe de rubis ?
Du vin de notre vigne ? Ou du lait des brebis ?
—Non du lait des agneaux que la louve épouvante,
Mais du vin de l’épée en sa vigne sanglante.
—Sire, comme son père il régnera sur nous.
Tous nos jours sont à nous. Nous les lui donnons tous,
Avec ces bois, ces monts et ces champs de vaillance,
Et ces astres changeants que l’on appelle France. "
Mais l’enfant a pleuré sur le cou du héros,
Quand les sabres ardents ont jeté leurs fourreaux ;
Et la foule, s’ouvrant au loin sur son passage,
Grondait comme une mer qui ronge son rivage.

 
Silence ! Tout se tait ! Dormez-vous, sentinelle ?
Le hibou gémissant a déployé son aile !
La nuit est froide et longue, au pays où le Rhin
S’endort comme un guerrier, sous sa tente de crin.

Veillez-vous, sentinelle ? Au fond de la bruyère
Souvent la nuit trop noire enveloppe un mystère,
Dans le pays où croît le sapin sur les monts,
Où l’Elbe aux longs replis rampe dans les vallons.
Souvent là, dans les bois, le feuillage murmure,
Et le Danube luit comme luit une armure.

Souvent l’ombre gémit sous l’orme d’Austerlitz,
Où les morts, sans linceul, dorment ensevelis.
" Veillez-vous ? -Oui, je veille. Holà ! Qui vive ? -France.
De la tour de Leipsick, quand la nuit fait silence,
Souvent on voit passer, sur d’invisibles monts,
Les nuages d’hiver, comme des escadrons.

Entendez-vous ? -J’entends. -Un cri ? -Non ! C’est un rêve.
—Écoutez-vous ? -J’écoute. -Ah ! C’est le chant d’un glaive.
—Non, ce n’est pas le chant d’un glaive en son fourreau.
Non, non, c’est le vautour qui niche en un tombeau. "

Chœur
Cachons notre colère
Comme un feu de bruyère
Au milieu d’un grand bois.
Parlons à demi-voix.
Si quelqu’un vient et passe,
Sourions sur sa trace.
Au fond de notre cœur,
Cachons notre blessure,
Et notre lourde armure,
Sous les ronces en fleur.

—Veillez-vous, sentinelle ? Au loin, là, dans la brume,
Avez-vous vu ? -J’ai vu. -Comme un feu qui s’allume ?
—Oui, vingt peuples debout que suivent les autans.
Fuirons-nous ? -Nous mourrons. -Entendez-vous ? -J’entends.

Chœur
Au flanc des monts, que notre armée,
Ainsi qu’une noire fumée,
Avec nos chars monte sans bruit !
Que tout un peuple dans la nuit,
Au souffle naissant de l’orage,
S’éveille, comme le feuillage
Qui tremble dans les bois d’Odin.
Que notre glaive, en notre main,
Comme une vierge des batailles,
En attendant les fiançailles,
Hors de son seuil, avant le jour,
Ne chante pas son chant d’amour !
—Aux armes ! Les voici ! Garde à vous, sentinelle !
Comme au fond d’un ravin, un nuage de grêle,
Comme autour d’une ruche un essaim de frelons,
Ils passent en grondant, sur le flanc des vallons.

Chœur
Un mot, non, un soupir d’une bouche muette
S’échappe, par hasard, et le vent le répète.
Sous l’arbre des forêts, à l’ombre des cités
Il circule la nuit, dans les lieux écartés ;
Il s’élève, il se tait ; puis il meurt sous la brise,
Comme un soupir du Rhin, quand sa vague se brise.
Non ! Le murmure croît ! Un écho plus sonore
Le réveille s’il meurt ; une autre bouche encore
Le répète après lui ; puis l’épouse au foyer
Le répète à son tour ; puis un empire entier
Se lève comme un homme ; et, quand la brume est sombre,
On entend mille voix qui s’appellent dans l’ombre.
Ah ! Frères du Tyrol ! Souabes ! Bavarois !
Électeurs palatins ! Grands-ducs ! Comtes et rois !
Nous n’avons tous qu’un nom : Allemagne ! Allemagne !
Et notre père à tous s’appelait : Charlemagne.
Il vivait sur le Rhin, sous le toit de granit
Où le faucon royal fait aujourd’hui son nid.
Sur le Rhin ! Sur le Rhin ! Le fleuve aux larges ondes !
Le fleuve des aïeux, aux cavernes profondes !
Comme un peuple ses fils, il pousse ses grands flots.
Avec sa lourde vague il redit aux échos :
Allemagne ! Allemagne ! Et son double rivage
Comme un taureau sans joug rebondit dans l’orage.
Sur le Rhin ! Sur le Rhin ! Saxons ! Westphaliens !
Maison de Barberousse ! Hongrois ! Bohémiens !
Frères, il est à nous, avec sa blanche écume,
Avec ses îles d’ambre, et son manteau de brume ;
Sur l’un et l’autre bord, comme ont fait les germains,
Après notre combat, nous laverons nos mains.
Sur le Rhin ! Sur le Rhin ! Le fleuve aux longues rames.
Son flot est pâle et bleu, comme les yeux des femmes.
Son flot est pâle et sonne, au pied des vieux châteaux,
Comme à son baudrier, le glaive d’un héros.
Frères, il est à nous, ainsi que notre armure,
Avec ses cygnes d’or, et son rude murmure.
Debout ! C’est aujourd’hui, sous le chêne allemand,
La chasse de Lutzof au féroce aboiement !
Le sanglier de France a, dans la Forêt Noire,
Sur le roc aiguisé ses défenses d’ivoire.
Le cor a retenti. Debout ! Hardis chasseurs.
Holà ! La meute est prête ; entendez ses clameurs.
Non, frères, aujourd’hui, c’est la danse du glaive.
Sous l’orme de Leipsick, où le soleil se lève,
Non, ce n’est pas le cor ; c’est le hardi clairon
Que l’écho vous renvoie au penchant du vallon.
Sous vos pas cadencés, allons, frappez la terre !
Hourra ! Le sabre a soif ! écoutez sa colère.
Délices des combats ! Quand l’épouse et l’époux,
Quand le sabre et l’épée, amoureux et jaloux,
Ensemble sont unis au festin des batailles !
Jamais rien ne rompra leurs chastes fiançailles.
L’épouse est toute nue, et son front pâlissant ;
L’époux à son côté boit sa coupe de sang.
Assez ! Le chant finit. Dieu sebaoth ! C’est l’heure !
Notre père des cieux ouvre-nous ta demeure.
Mainte bouche aujourd’hui, que ta gloire remplit,
Se taira pour toujours ; mainte femme en son lit
Tremblante va pleurer, comme pleurent les reines.
Maint guerrier va mourir dans le pays des chênes.
—Oui, le chant est fini. Sous les chênes sanglants,
Oui, tous ont combattu leur combat de géants.
Sous l’orme de Leipsick qui jette une ombre noire,
Pendant trois jours, trois nuits, sans manger et sans boire,
Oui, tous ont oublié la faim et le sommeil,
Et la nuit et le jour, et l’ombre et le soleil.
Le premier jour a lui ! Le glaive a soif encore.
Cent peuples contre un homme ont lutté dès l’aurore.
Le second jour a lui ! Le glaive a soif ! Hourra !
Aujourd’hui pour toujours qui le rassasiera ?
Hourra ? Tous en leur cœur ont caché leur blessure,
Et les corbeaux ont faim ; ils cherchent leur pâture.
Le dernier jour a lui ! Du sang ! Du sang ! Du sang !
La terre aride a soif et la glèbe se fend.
Du sang ! Du sang ! Du sang ! Par l’épée et la lance !
Le dernier jour a lui. Les morts ont froid ! Silence !
Les chasseurs de Lutzof n’entendront plus le cor ;
Mais le glaive a redit : j’ai soif, j’ai soif encor !

Collection: 
1823

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