• Cette nouvelle m’arrive à la Fête-Dieu.
    Jeanne, c’est l’époque où les blés sont bleus,
    Jeanne, les petites filles douces à faire pleurer se préparent
    à chanter en foulant les campanules gorgées d’azur.
    Avec de l’eau sucrée (on donne le sucre) on sépare
    leurs cheveux en beaucoup de petites tresses pures...
    Ô enfant ! Jeanne, sois bénie de Dieu,
    car la...

  • Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
    Tandis que des enfants s’amusent au parterre ;
    Et par l’oiseau blessé qui ne sait pas comment
    Son aile tout à coup s’ensanglante et descend
    Par la soif et la faim et le délire ardent :
    Je vous salue, Marie.

    Par les gosses battus par l’ivrogne qui rentre,
    Par l’âne qui reçoit des coups de pied au ventre...

  • Ainsi que Crusoë dans son île déserte,
    Le poète guette, à l’amère solitude,
    Quel voile apportera la béatitude,
    A son exil. La mer, comme une porte ouverte,
    Semble donner l’espoir qu’apparaîtra soudain
    Le bateau qui rira à l’horizon d’étain.
    Et la fièvre prend le poète sur la grève.
    Il croit voir cette voile. Il n’y a pourtant rien
    Que le toujours...

  • L’âne était petit et plein de pluie et tirait
    la charrette qui avait passé la forêt.
    La femme, sa petite fille, et le pauvre âne
    faisaient leur devoir doux, puisque dans le village
    ils vendaient pour le feu le bois des fruits de pin.
    La femme et la petite fille auront du pain
    qu’elles mangeront dans leur cuisine, ce soir,
    près du feu que la chandelle...

  • Par l’arc-en-ciel sur l’averse des roses blanches
    Par le jeune frisson qui court de branche en branche
    Et qui a fait fleurir la tige de Jessé ;
    Par les Annonciations riant dans les rosées
    Et par les cils baissés des graves fiancées :
    Je vous salue, Marie.

    Par l’exaltation de votre humilité
    et par la joie du cœur des humbles visités ;
    par le...

  • L’après-midi d’un dimanche je voudrais bien,
    quand il fait chaud et qu’il y a de gros raisins,
    dîner chez une vieille fille en une grande
    maison de campagne chaude, fraîche, où l’on tend du linge,
    du linge propre, à des cordes, des liens.
    Dans la cour il y aurait des petits poussins,
    qui iraient près du puits — et une jeune fille
    dînerait avec nous...

  • Au beau soleil qui sonnait, de pauvres femmes,
    au seuil d’une maison pauvre comme mon âme,
    désignaient quelque chose. On entendait un char.
    Sur les coteaux marrons le ciel était en nacre
    comme les écailles d’huîtres en arc-en-ciel.
    Le chemin grimpait, doux comme un grand sommeil,
    et les poules chaudes ondulaient dans la poussière,
    avec, sous les ailes...

  • Au bord de l’eau verte, les sauterelles
              sautent ou se traînent,
    ou bien sur les fleurs des carottes frêles
              grimpent avec peine.

    Dans l’eau tiède filent les poissons blancs
              auprès d’arbres noirs
    dont l’ombre sur l’eau tremble doucement
              au soleil du soir.

    Deux pies qui crient s’envolent loin, très loin,...

  • Au moulin du bois froid où coule de l’eau claire,
           près des rochers, il y a de la fougère.

    Tout près du bois bleu, une jeune fille blonde
           lavait le linge et l’eau coulait à l’ombre.

    Et elle avait retroussé sa robe assez haut :
           on voyait ses jambes blanches dans l’eau.

    Et les chemins étaient frais, étroits, mauvais, noirs,...

  • Au pied de mon lit, une Vierge négresse
    fut mise par ma mère. Et j’aime cette Vierge
    d’une religion un peu italienne.
    Virgo Lauretana, debout dans un fond d’or,
    qui me faites penser à mille fruits de mer
    que l’on vend sur des quais où pas un souffle d’air
    n’émeut les pavillons qui lourdement s’endorment,
    Virgo Lauretana, vous savez qu’en ces heures...