• Quand le vaisseau, bercé par la mer caressante,
    S’arrête aux bords heureux de la terre de Zante
    Que les Italiens nomment « fleur du Levant »‚
    Le voyageur vers lui voit voler cent nacelles,
    Toutes pleines de fleurs humides et nouvelles
    Dont l’âme errante flotte et parfume le vent.

    On dirait des jardins balancés sur les lames,
    Et ce sont des œillets...

  • Poëte, dors en paix : l’épreuve est terminée ;
    Les lauriers sur ta tombe ont fleuri jusqu’au bout,
    Mais près d’eux a poussé l’Envie, et chaque année
    Voit naître maintenant quelque sourde menée
    Pour ébranler le socle où ta gloire est debout.

    Ceux-ci, — les plus adroits, pour nuire à cette gloire,
    Quand l’écho t’applaudit font semblant d’être sourds ;
    ...

  • O mon petit pays de Bresse si modeste !
    Je t’aime d’un cœur franc ; j’aime ce qui te reste
    De l’esprit des aïeux et des mœurs d’autrefois ;
    J’aime les sons traînants de ton langage antique,
    Et ton courage simple, et cette âme rustique
    Qu’on sent frémir encore au fond de tes grands bois.

    J’aime tes hommes forts et doux, tes belles filles,
    Tes dimanches...

  • Je vous ai raconté comment mon pauvre cœur,
    Un matin, fut guéri d’une longue souffrance ;
    Comment l’amour lassé, cachant l’indifférence,
    D’une tendre amitié prit le masque trompeur.

    Ce cœur si bien guéri tombe en votre puissance ;
    Mais vous, douce Ninon, je vous aime sans peur,
    Car dans notre amitié l’amour a pris naissance,
    Comme un arbre greffé...

  • Nous irons en suivant les bois, si tu m’écoutes,
    Jusqu’au bord du ravin planté de saules creux :
    On trouve plus souvent aux champs les amoureux
    Dans les petits sentiers que sur les grandes routes.

    Par ces chemins perdus nous aimons à passer.
    Notre amour s’y repose, et souvent y demeure.
    Nous partirons après une halte d’une heure,
    Et puis nous...

  • Tout ce qui charme est sur tes lèvres :
    Les mots émus qu’on dit tout bas
    Et ceux qui prennent leur ébats,
    Partant, courant comme des lièvres ;
    Le doux pli qui, tendre ou moqueur,
    Égaie ou console mon cœur ;
    La caresse dont tu me sèvres
    Pour m’irriter ou m’apaiser :
    Parole, sourire et baiser,
    Tout ce qui charme est sur tes lèvres.

  • Tu n’as pas voulu quand j’avais vingt ans ;
    Tu n’as pas voulu dans le temps des roses
    Où, n’ayant souci des plus douces choses,
    Je n’aimais que toi de tout le printemps ;

    Où j’aurais franchi les monts et les plaines
    Pour te voir une heure et m’en retourner,
    Où ma vie entière était à donner,
    Où mon avenir avait les mains pleines.

    J’allais devant...

  • Éclosion des jeunes âmes !
    Bien d’autres rêves ont peuplé
    Mon cœur, madame, et l’ont gonflé,
    Depuis qu’enfants nous nous croisâmes.
    Amour naïf vite envolé !
    Meurt-elle en nous la rêverie
    Qui berçait les cœurs enfantins ?
    Non, je revois l’île fleurie,
    Les varangues et les jardins.
    Bien séparés sont nos destins !
    Mais jeune fille...

  • Quand vous voyez celui qui vous aime apparaître
    Si courbé devant vous, le front si triste et bas,
    Quand vous sentez sa vie attachée à vos pas…
    Vous vous dites sans doute, en souriant peut-être :
    Pourquoi m’aime-t-il donc, moi qui ne l’aime pas ?

    Oh ! ne le plaignez pas ! Si fort qu’on lui résiste,
    Si loin qu’on le repousse, il aime ses douleurs ;
    Et...

  • Reste ainsi, ne fais pas un geste,
    Ne quitte pas ton escabeau ;
    Poursuis ta besogne modeste,
    A côté d’un pâle flambeau.

    Mon cœur est plein, mon œil se mouille,
    Lorsque, seule et baissant les yeux,
    Je te vois filer ta quenouille
    A ce foyer silencieux.

    Les obscures vertus de l’âme,
    Le dévoûment et la bonté,
    Prêtent au front de l’...