• Depuis un mois il neige à flots. La nuit dernière
    Il a plu. Maintenant sous la froide lumière
    Du soleil hivernal le givre immaculé
    Étincelle aux rameaux du grand bois constellé.
    Quel séduisant tableau ! quelle vaste féerie !
    Chaque fourré devient une cristallerie ;
    Et les blancheurs du lait, de la nacre, du sel,
    De l’onyx, de l’argent, de la nappe d’...

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    Au bord du lac Saint-Jean, non loin de Roberval,
    Dans un lieu si charmant qu’il n’a pas de rival,
    Lorsque mai fait briller sa corbeille éclatante,
    Quatre cents Montagnais viennent planter leur tente.

    Débris d’une tribu puissante encore hier,
    Ils viennent, au retour de la chasse d’hiver,
    Rêver, dormir, bercés aux mille épithalames
    Des roseaux...

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    C’était le soir d’un jour de fête,
    La fête du Saint-Sacrement.
    Sur chaque toit, sur chaque faîte
    Des drapeaux flottaient mollement.

    Plus d’une avenue était pleine
    Des fleurs de la procession.
    Le vent retenait son haleine,
    Le flot sa modulation.

    Le couchant, beau comme l’aurore,
    Empourprait les saints reposoirs,
    Dont les...

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    À bord de la Provence, ce 5 octobre 1909.

    Depuis hier le vent du nord souffle en tempête :
    Sous son fouet glacial les flots tordent leur crête
    Et poussent, éperdus, d’horribles meuglements ;
    Partout, autour de nous, des abîmes fumants
    Se creusent, des sommets mouvants et blancs d’écume
    Se dressent à travers les réseaux de la...

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    Je suis né, vers soixante, au square Chaboillez,
    Et j’étais le plus vieux de cinq enfants choyés
    Par une mère aussi vertueuse que belle,
    Dont je crois voir toujours rayonner la prunelle.
    Mon père ― aucun ne fut plus brave que le mien ―
    Mon père était, messieurs, un mécanicien
    Et servait le Grand-Tronc.

                                       Le...

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    L’érable si haut dans l’espace
    Dresse son faîte audacieux,
    Que le bouvreuil, même à voix basse,
    Y parle avec l’oiseau des cieux.

    Il est plein de sève et de force.
    L’ouragan ne peut le ployer ;
    Pourtant les fibres de son torse
    Sont aussi souples que l’acier.

    Il est rugueux comme le chêne,
    Et plus droit que le peuplier.
    Une...

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    Le soleil maintenant allonge son parcours ;
    L’aube plus tôt sourit aux bois impénétrables ;
    Mais l’air est toujours vif, l’autan rugit toujours
    Parmi les rameaux nus et glacés des érables.

    L’avalanche sans fin croule du ciel blafard ;
    Nos toits tremblent au choc incessant des tempêtes.
    Cependant à travers bise, neige, brouillard,
    Nous formons...

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    À Joseph Rouleau.

    La débâcle a grossi l’Etchemin, qui naguères
    Sous la glace tordait ses ondes prisonnières,
    Et, le canthook aux bras, les flotteurs fiers et forts
    Drayent les lourds billots échoués sur ses bords,
    Ou sur les rocs trouant au large l’eau glacée,
    Font glisser sur les flots la forêt terrassée
    Par le fer des...

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    Sous un abri grossier que le charbon enfume,
    Dans un recoin rougi d’une chaude lueur,
    La manche retroussée et le front en sueur,
    Le vaillant forgeron frappe sur son enclume.

    Comme le fer qu’il bat, solide est son grand cœur
    Que n’amollit jamais la peur ou l’amertume.
    Devant l’objet qui naît de son effort vainqueur,
    Au feu de la fierté souvent...

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    C’est un fou, c’est un fou que nul ne peut guérir.
    Tout enfant, il passait de longs jours à courir
    Dans les prés, dans les bois, au bord des précipices.
    La solitude a fait en lui germer des vices,
    Et dans les chants du nid, dans les souffles du vent,
    Dans les cris de la foudre et du gouffre mouvant,
    Dans les feux du soleil, dans l’ombre des...